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----- Original Message -----
From:
info@comite-valmy.org
To:
claude beaulieu
Sent: Thursday, October 07, 2004 3:05 PM
Subject: Continuer à combattre l'Euro..
Comité Valmy.
Cette tribune pessimiste d'économistes favorables à l’Europe supranationale néo-libérale était involontairement, la thèse du Comité Valmy selon laquelle « rien n’est irréversible », même pas l’Euro, si le peuple le décide. Bien entendu beaucoup de chemin reste à faire.Claude Beaulieu.
Le Monde -Jeudi 15 janvier 2004 ( tribune )
Les jours de l’euro sont-ils comptés ?
La pérennité de l’euro semble remise en cause par le récent rejet des Suédois et l’initiative des Britanniques de reporter une fois de plus le référendum prévu sur une éventuelle adhésion. Depuis le lancement de la monnaie unique, la zone euro traverse une période difficile — croissance anémiée, hausse rampante du chômage — alors même que le déficit budgétaire des deux principales économies de la zone dépasse le plafond de 3 % du PIB fixé par le pacte de stabilité.
Le contraste est saisissant avec les économies des pays dits « euro-sceptiques » — Royaume-Uni, Suède et Danemark —, qui partagent des taux de chômage notablement plus faibles, des taux de croissance plus élevés et des déficits budgétaires très limités (quand ils ne connaissent pas un excédent budgétaire).
Conclusion : à ce jour, la monnaie unique n’a guère enrayé le malaise économique européen et l’on ne peut manquer de s’interroger sur son éventuelle responsabilité dans les difficultés économiques actuelles de la zone euro.
Le lancement de l’euro en 1999 reposait sur une décision politique, et non sur la théorie économique de la zone monétaire optimale (ZMO). Un groupe de pays ou de régions peut constituer une ZMO lorsque leurs économies sont fortement imbriquées, à la fois au plan des échanges de biens et de services et au niveau de la mobilité des facteurs de production. Les Etats-Unis sont l’exemple le plus abouti de réussite d’une ZMO.
L’UE est-elle une ZMO ? Les échanges en son sein représentent environ 15 % du PIB de la zone, ce qui est très faible comparé aux Etats-Unis. De même, la mobilité du travail en Europe est très limitée par rapport aux Etats-Unis (sans faire référence au fait qu’elle reste faible même à l’intérieur des Etats).
Ignorant ces questions essentielles, l’euro a créé une politique monétaire unique gérée par la Banque centrale européenne, privant chaque pays de deux (de ses trois) outils de politique économique : une politique monétaire indépendante et la flexibilité des taux de change. Le troisième outil, la politique budgétaire, est lui contraint par le pacte de stabilité.
Du fait des différences entre les pays de l’UE, la diminution de l’autonomie de leurs politiques économiques est une question grave, notamment si un de ces pays subit un choc particulier qui n’affecte pas le reste de la zone euro. Si celle-ci était effectivement une ZMO, l’économie du pays traversant des difficultés s’ajusterait via :
1) la mobilité de sa main-d’œuvre avec le reste de la zone,
2) la flexibilité des salaires et des prix et/ou
3) un transfert budgétaire depuis Bruxelles.
Aucune de ces trois conditions n’était remplie à la création de l’euro, et aucune réforme structurelle ne semble être prévue pour rapprocher la zone euro d’une ZMO.
La troisième condition — la plus simple à remplir — rend nécessaire une certaine dose de fédéralisme fiscal qui reste un objectif bien lointain. En fait, l’UE — qui ne dispose que de ressources limitées (environ 1,27 % du PNB de l’UE) — ne peut procéder à des transferts budgétaires pour amortir les chocs nationaux. L’essentiel de la politique budgétaire demeure entre les mains des gouvernements nationaux, Bruxelles représentant moins de 3 % des dépenses publiques de l’Union. Fort contraste avec la situation américaine, où 60 % des dépenses publiques sont réalisées au niveau fédéral, et où la mobilité du travail et la flexibilité des salaires sont bien supérieures à celles de l’Europe.
Le calendrier électoral non synchronisé de l’UE accroît encore les difficultés, chaque pays tenant ses élections (présidentielle, législatives et municipales) indépendamment. Ces différences dans le calendrier électoral exacerbent l’asynchronisme des cycles économiques nationaux à l’intérieur de la zone euro dans la mesure où les élections s’accompagnent généralement d’une politique budgétaire expansionniste.
Malheureusement, la combinaison d’une politique monétaire centralisée et d’une politique budgétaire décentralisée aboutit à des différentiels d’inflation entre les pays de l’UE qui conduisent à des disparités du pouvoir d’achat de l’euro dans les Etats membres.
Dans le cadre d’un système de change « national », cet effet serait aisément corrigé via la politique monétaire et une appréciation ou une dépréciation « compétitive » de la monnaie. Aujourd’hui, ce n’est plus possible, la monnaie unique paralysant l’outil des taux de change tout en annulant l’indépendance de la politique monétaire. Du fait de cette incapacité à apporter une réponse flexible à l’inflation, le pouvoir d’achat de l’euro dans plusieurs pays s’érode par rapport à la moyenne de la zone et par rapport à l’Allemagne. Sur la base des taux d’inflation en Grèce et en Allemagne entre janvier 1999 et juin 2003, l’euro en Grèce est surévalué d’environ 25 % par rapport à l’euro en Allemagne. Sur la base des projections d’inflation pour les économies de la zone, en 2006, l’euro sera surévalué de 25 % dans au moins trois pays, et de 50 % dans un pays.
Nul besoin de rappeler la triste odyssée du peso argentin, lié par une parité fixe avec le dollar durant les années 1990 : ce choix politique créait de fait une union monétaire avec les Etats-Unis. En agissant ainsi, l’Argentine abdiquait l’indépendance de sa politique monétaire au profit des Etats-Unis et abandonnait sa politique de change, sans obtenir en compensation des transferts budgétaires et sans pouvoir faire jouer la mobilité du travail. Le peso devint nettement surévalué (d’environ 30 % en termes de parité de pouvoir d’achat par rapport au dollar), alors que l’économie argentine ralentit, entraînant un chômage de masse et finalement l’effondrement de la parité peso/dollar et la plongée du taux de change.
Bien entendu, il s’agit là d’un cas extrême d’union monétaire (les échanges argentins avec les Etats-Unis sont faibles comparés au volume du commerce intracommunautaire), mais la comparaison avec la situation de la zone euro reste frappante.
Néanmoins, des pays comme l’Espagne, la Grèce et la Finlande (dont les taux de chômage dépassent 10 %) doivent-ils accepter de devenir non compétitifs du fait de la surévaluation de « leur euro », ce qui conduira à une hausse du chômage ? La tentation de faire sécession ne sera-t-elle pas trop forte ?
En dernier ressort, tout dépendra de l’amélioration de la conjoncture économique européenne dans les prochaines années. Un scénario optimiste de retour à la croissance économique lèvera temporairement les doutes sur l’euro. Et si les gouvernements profitent de cette conjonsture favorable pour mettre en œuvre les nécessaires réformes du marché du travail, tout en accroissant le pouvoir budgétaire de Bruxelles, alors l’euro survivra.
Au contraire, une récession qui s’accompagnerait d’un taux de chômage structurel de 11 % à 13 % exercerait une pression insoutenable sur les pays de la zone euro. Les hommes politiques seront portés vers la solution de facilité : il leur sera difficile de résister à la tentation d’un retour indépendant au taux de change flottant. L’élargissement en bloc de l’UE à dix nouveaux pays d’Europe de l’Est ne fera qu’affaiblir davantage un attelage déjà bien branlant. Si traumatisant que cela soit de restaurer certaines monnaies nationales — pas nécessairement toutes —, certains pays, notamment les plus petits, pourraient décider d’abandonner l’euro.
par Anthony Gribe et Laurent Jacque
Anthony Gribe est banquier d’affaires (Natexis Finance).
Laurent Jacque est professeur de finance internationale à la Fletcher School of Law & Diplomacy (Boston) et au groupe HEC.