Interview exclusive de Zivadin Jovanovic, Président du Forum de Belgrade pour un Monde d'Egaux
Lepcf.fr : Monsieur le ministre, vous êtes le président du Forum de Belgrade qui depuis une dizaine d'années anime une réflexion critique et approfondie sur la situation politique, stratégique, sociale et économique de la Serbie et de l'ancien espace yougoslave. Pouvez-vous nous donner un aperçu des activités de l'organisation de vous présidez ?
ZJ : Le Forum de Belgrade pour un monde d'Egaux est une organisation indépendante, non-partisane, une association à but non lucratif qui regroupe des intellectuels de Serbie et de la diaspora serbe. Le Forum promeut la paix, la justice, l'égalité des personnes, des peuples et des États.
Établir la vérité, en général, et en particulier sur les développements récents et passés dans les Balkans, l'ex-Yougoslavie et la Serbie - est aussi l'une des motivations principales de nos membres et amis du Forum.
Le Forum est favorable à la primauté du droit dans les relations internationales par opposition à la règle selon laquelle « la force primerait sur le droit ». Le Forum estime que l'agression de l'OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie en 1999 a été une erreur historique de l'Occident dont les conséquences en Europe se paient par la stagnation, l'instabilité et une certaine perte d'identité. Les soit disant négociations de Rambouillet avaient été organisées et gérées par les USA avec un seul objectif : convaincre le public, à l'ouest qu'il n'y avait pas d'autre moyen pour résoudre les problèmes au Kosovo-Métochie, que par un bombardement de la Serbie. Le gouvernement français a malheureusement joué un rôle malhonnête dans ce scénario de manipulations américaines.
"...l'agression de l'OTAN contre la République fédérative de Yougoslavie en 1999 a été une erreur historique de l'Occident dont les conséquences en Europe se paient par la stagnation, l'instabilité et une certaine perte d'identité..."
Ces erreurs sérieuses des USA et de l'UE dans l'approche du problème du Kosovo et de la Métochie resteront une plaie ouverte sur le « ventre mou » de l'Europe pour les décennies à venir.
L'approche du Forum de Belgrade embrasse les questions des droits de l'homme, des droits économiques, sociaux, culturels et autres qui sont d'une importance primordiale, particulièrement aujourd'hui alors que la grande majorité des peuples souffre des conséquences de la crise économique mondiale.
Le Forum a publié plus de 50 livres traitant des questions de sécurité, des relations internationales, des problèmes économiques et sociaux, du terrorisme international, de l'OTAN et de questions constitutionnelles. Il entretient d'importantes collaborations avec d'autres organisations indépendantes semblables à l'étranger.
Lepcf.fr : Le pouvoir en place actuellement à Belgrade et la plupart des organisations issues de la coalition d'opposition au gouvernement d'union nationale de Slobodan Milosevic, le « DOS », célèbrent ces jours-ci les évènements d'octobre 2000 en Serbie. Quelle est votre point de vue sur ces célébrations ?
ZJ : Je doute qu'il y ait réellement de bonnes raisons de célébrer quoi que ce soit. Pendant les dix années qui se sont écoulées, le gouvernement DOS et ses dérivés n'ont pas cessé de promettre une « vie meilleure », l'intégration dans l'Union européenne (présentée comme un paradis sur terre), emploi, démocratie...
En réalité, la grande majorité des quelques 8 millions d'habitants de la Serbie est confrontée aujourd'hui à des problèmes élémentaires de survie : de subsistance alimentaire, de paiement des charges obligatoires (les factures d'électricité et les autres services communaux, la scolarisation des enfants, les médicaments). La société serbe est aujourd'hui profondément divisée avec un fossé énorme entre la poignée des très riches et la masse vivant dans la pauvreté.
La sécession unilatérale de la province du Kosovo-Metohija a donné lieu à des ambitions séparatistes dans d'autres parties de la Serbie (en Raska, en Voïvodine, dans les quartiers sud de Bujanovac, Presevo et Medvedja).
Il convient de rappeler que le renversement du président Slobodan Milosevic a été l'objectif premier de l'agression militaire de l'OTAN en 1999, parce qu'il était perçu comme un obstacle à l'expansion de la politique impériale de Washington dans les Balkans. Ce but ne fut cependant pas atteint au bout des 72 jours de bombardement continu de l'ensemble du pays. En conséquence l'agression se poursuivit par d'autres moyens.
"Je doute fort qu'un gouvernement créé de cette façon puisse de quelque façon être indépendant et démocratique."
Il y a quelques jours de cela, l'ancien ambassadeur US William Montgomery, celui-là même qui, en 1999 et 2000, a coordonné les activités antigouvernementales en Serbie depuis son bureau spécial à Budapest, a confirmé que les États-Unis ont « investi » à l'époque plus de 100 millions de dollars US dans le processus de « démocratisation de la Serbie », ce qui en d'autre termes signifie - dans le renversement du gouvernement légitime de Serbie. Ce montant n'inclut pas les sommes versées à diverses ONG et autres mass-média « indépendants » par la « fondation George Soros pour une société ouverte » et diverses autres sources. Je doute fort qu'un gouvernement créé de cette façon puisse de quelque façon être indépendant et démocratique.
Lepcf.fr : En occident, ces évènements, comme le saccage et le pillage spectaculaire du parlement fédéral ou encore la persécution de députés et élus de gauche pendant les mois d'octobre et novembre 2000, furent présentés (quand ils ne furent pas cachés au public) par les médias français comme des actes « libérateurs » qui allaient ouvrir la perspective d'un avenir radieux et démocratique pour les citoyens de la République de Yougoslavie. Qu'en est-il vraiment d'après vous 10 ans après ?
ZJ : La Serbie est confrontée à de graves problèmes socio-économiques : dette extérieure élevée (environ 35 milliards dollars US aujourd'hui contre 10 Milliards en 2000 pour la Serbie et le Monténégro réunis), chômage élevé (environ 20 %) et la corruption généralisée.
Pour la grande majorité de la population la vie en Serbie est très difficile. Les prétendus « Révolutionnaires » d'Octobre 2000 se sont eux-mêmes mués en caciques, bureaucrates et autres magnats qui ne se préoccupent plus que de la façon de s'enrichir grâce au processus de privatisation et de transition.
La plus grande partie de la population est désorientée et surtout préoccupée par la satisfaction des besoins quotidiens élémentaires en nourriture et en vêtements.
Cette masse aux abois n'est plus en mesure de penser et d'exprimer son opinion sur des questions relatives aux intérêts nationaux et étatiques.
La jeunesse est désespérée, elle n'a pas d'emploi, et elle ne voit pas de perspective. Les prix ne cessent pas de grimper et les revenus chutent. Le salaire mensuel moyen est d'environ 300 euros, la pension de retraite d'environ 150 euros.
"après la « révolution » du 5 Octobre 2000, environ 50.000 cadres supérieurs et fonctionnaires des services publics, de l'économie et du secteur bancaire ont presque instantanément été licenciés et laissés pour compte sans aucun revenu ni indemnités"
Les prix augmentent chaque jour. Cette semaine, par exemple, le prix de l'électricité a augmenté de 30 %. Plus de 10 % de la population totale vit en dessous du seuil de pauvreté et souffre de carence alimentaires. Environ 200.000 enfants souffrent de malnutrition et de nombreuses soupes populaires sont fermées souvent en raison de manque de moyens financiers.
Le pouvoir en place prétend que ces problèmes trouvent leurs racines dans deux arguments massue : premièrement qu'ils sont une conséquence de « l'ère Milosevic » et deuxièmement qu'ils sont une conséquence de la crise mondiale. Les gouvernants actuels ne détiendraient ainsi aucune part de responsabilité dans l'état actuel des choses, bien qu'ils détiennent le pouvoir depuis plus de dix ans maintenant.
La manière dont les médias occidentaux ont présenté les événements en Serbie et en particulier le coup d'État du 5 Octobre 2000 est bien connue. Aujourd'hui, les mass médias les plus influents de Serbie servent les intérêts du Capital, ils se présentent sans vergogne comme les garants de la liberté de la presse. Ce que cette « presse libre » omet de noter par exemple, c'est qu'après la « révolution » du 5 Octobre 2000, environ 50.000 cadres supérieurs et fonctionnaires des services publics, de l'économie et du secteur bancaire ont presque instantanément été licenciés et laissés pour compte sans aucun revenu ni indemnités.
Dans de nombreux cas, ces fonctionnaires ont été démis de leur fonction sous la menace des armes et remplacés par des partisans de la coalition DOS, c'est-à-dire des gens financés par des « ONG » occidentales, organisés en groupes dormants ou actifs, comme ceux qui s'illustrèrent dans l'incendie du bâtiment du Parlement ou dans d'autres actes similaires. Un certain nombre de postes ministériels furent cédés à des émigrés serbes de l'étranger (y compris de France) qui bien qu'ayant des passeports et des diplômes de l'Ouest, avaient de bien modestes connaissances des réalités actuelles de la Serbie.
Après l'assassinat du premier ministre Zoran Djindjic en 2003, environ 12.000 personnes furent emprisonnées, y compris de nombreux journalistes. Certains furent emprisonnés pendant de nombreux mois sans qu'on ne leur ait jamais notifié les charges retenues contre eux.
Lepcf.fr : Peut-on aujourd'hui dresser un bilan détaillé de 10 années de gouvernement dit « démocratique » sur le plan des libertés constitutionnelles et de la concentration de pouvoir qui étaient, d'après les médias occidentaux, les principaux points noir de l'ère Milosevic ?
ZJ : Prenez, par exemple, la liberté de la presse. Pendant toute la durée de la présidence de Slobodan Milosevic, la grande majorité des médias de masse : presse imprimée, électronique, radiophonique et télévisuelle développait les thèses de l'opposition. Il est indiscutable que ces médias de masse ont été financés par des gouvernements étrangers, des fondations, comme celle de Soros et autres ONG.
Aujourd'hui, on ne peut guère plus trouver de médias d'opposition en Serbie. La politique éditoriale de tous les médias actuels est plus ou moins identique : elle est ostensiblement contrôlée par le gouvernement ou par le grand Capital. Les moyens d'information gouvernementaux et publics sont verrouillés.
Selon la Constitution, la démocratie exige la division et l'équilibre, notamment entre les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif, considérés comme des pouvoirs d'État indépendants. Dans la pratique, l'exécutif contrôle les pouvoirs législatif et judiciaire.
Au début de cette année, dans le cadre d'une prétendue « réforme du système judiciaire » le gouvernement a procédé à une révocation technique de tous les juges d'instruction, révocation ou remise à 0 des compteurs qui devait être suivie par leur réélection selon un processus relativement peu clair, tellement peu clair que près de 700 magistrats se sont retrouvés du jour au lendemain sans emploi.
Des évictions de masse qui ne furent justifiée par aucune raison précise. Une grande partie de l'opinion pense cependant que ces évictions "techniques" sont en fait politiques et qu'elles ciblent les magistrats les moins loyaux au parti au pouvoir actuellement (ndlr la Demokratska Stranka, membre de l'Internationale Socialiste). Le cas des juges serbes révoqués a non seulement fait l'objet d'un recours auprès de la Cour constitutionnelle de Serbie, déjà lourdement surchargée de travail par d'autres questions, mais il est aussi devenu un point d'intérêt à Strasbourg et à Bruxelles.
La concentration de pouvoir dans les mains du président actuel de la République de Serbie est une clé pour comprendre la sorte de démocratie promue dans notre pays.
En plus d'être le chef suprême de l'État, le président du conseil national de sécurité et le président du parti majoritaire dans le gouvernement, il nomme le gouverneur de la Banque nationale, il a son quota de juges affidés à la Cour constitutionnelle et il décide des piliers et stratégies de la politique étrangère. Les conseillers de son bureau sont nommés membres de divers organismes, notamment des conseils d'administration de grands médias de masse...
Le fossé séparant le peuple et le gouvernement n'a jamais été aussi profond qu'aujourd'hui.
Quel est le sens de la démocratie dans ces circonstances ? Qui a profité du changement « démocratique » et des « libérations » d'Octobre 2000 ? Les citoyens de Serbie ? Les ouvriers, les paysans, les intellectuels et les jeunes ?
Lepcf.fr : Quelle est la situation économique de la Serbie actuellement en terme de production industrielle, de chômage, de produit intérieur brut ?
ZJ : En Serbie, il y a aujourd'hui un million de chômeurs, 1.5 million de retraités, 0.5 millions de réfugiés et déplacés dont 200.000 Serbes déplacés du Kosovo et Métochie.
Les jeunes de 20 à 35 ans représentent environ 35 % de tous les chômeurs. Les estimations officielles prévoient une augmentation du nombre de chômeur de plus de 100 000. Nul besoin de mentionner ici les milliers de salariés qui reçoivent leurs salaires avec d'énormes retards de plusieurs mois voire plusieurs années.
La « fuite des cerveaux » vers les pays occidentaux se poursuit. La privatisation des entreprises appartenant à l'État et celles relevant de la propriété sociale menée avec des méthodes criminelles a produit une poignée de magnats énormément enrichis et a plongé les masses dans la misère.
Les fonds tirés de ces privatisations n'ont absolument pas aidé à restructurer et moderniser la société ; ils furent très peu investis dans l'emploi et l'investissement productif, mais essentiellement employés à combler le déficit public en les versant au budget de l'État.
Ainsi ce sont l'administration et les services publics qui ont englouti en quelques années une richesse économique accumulée par toutes les générations qui se sont succédées dans les 18e, 19e et 20e siècles.
La dette extérieure de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) en 2000 s'élevait environ à 11 milliards de dollars US. Aujourd'hui cette dette s'élève à environ 37 milliards de dollars pour la Serbie seule.
Une balance des paiements extrêmement négative pousse la Serbie vers un endettement encore plus profond. Aujourd'hui la production industrielle est plus faible qu'à la fin des années 80. La croissance du PIB, qui dans les années 1996, 1997, 1998 s'élevait à un taux régulier de 6 %, est attendue pour cette année à une valeur de 1,5 %.
Lepcf.fr : Un rapport de l'UNESCO publié à la fin des années 2000 soulignait la dégradation sévère des systèmes éducatifs de tous les pays ex-socialistes qui pour beaucoup ont été soumis dès les années 1990 à un traitement de choc néolibéral fatal pour leur système éducatif. Qu'en est-il de l'Éducation en Serbie depuis 2000 ?
ZJ : L'éducation, notamment supérieure, est devenue un privilège des riches. Le manque récurrent de moyens pour les universités d'État, d'une part, et la prolifération rapide des écoles privées et « universités », d'autre part, a entraîné une dégradation brutale de la qualité de l'éducation.
Dans le domaine culturel, la promotion de la littérature et l'enseignement de l'histoire nationale par exemple subissent une dépréciation notable, souvent accompagnée de tentatives de falsification manifestes.
La Culture se voit instrumentalisée dans ce qui semble être une volonté de la soumettre à des grilles de lecture étrangères.
L'enseignement de l'Histoire de la Serbie s'appuie de plus en plus, même à l'école publique, sur des manuels scolaires dont les auteurs sont allemands, américains ou d'autres nationalités.
Lepcf.fr : Est-ce que l'arrivée au pouvoir de la coalition DOS a permis de démocratiser le système de santé ?
ZJ : Les services de santé du secteur public et les médicaments sont aussi devenus très coûteux. Avec cette croissance du chômage et de la pauvreté, beaucoup de gens sont incapables de payer les soins de santé et les médicaments.
Hôpitaux et centres de réadaptation sont aujourd'hui sous-dimensionnés, les dispensaires de l'intérieur du pays qui fonctionnaient depuis plus de 30 ou 40 ans, sont fermés apparemment par manque d'argent.
Le pourcentage des patients souffrant du cancer et de maladies coronaires en Serbie est parmi les plus élevés en Europe. Il est connu que lors de l'agression de 1999, l'OTAN déversa des tonnes de munitions à l'uranium appauvri sur le Kosovo-Métochie et d'autres parties de la Serbie.
Il est maintenant notoire que de nombreux soldats italiens, portugais et espagnols et d'autres ressortissants des pays membres de l'OTAN ayant servi au Kosovo et Métochie eurent à subir les suites d'une exposition à ces munitions radioactives au point d'en décéder.
De nombreux parlements européens ont même été amenés à étudier ce problème allant jusqu'à demander une juste réparation et l'interdiction de la production, du stockage et de l'utilisation de munitions à l'uranium appauvri.
La Serbie est étrangement l'un des seuls pays d'Europe à être resté silencieux sur cette question. Pourquoi ?
Lepcf.fr : .Comment la situation au Kosovo pèse-t-elle sur les questions de politique intérieure en Serbie ?
ZJ : La majorité de l'opinion serbe estime que l'UE et les USA ont tout fait pour priver la Serbie de sa souveraineté légitime sur le Kosovo-Métochie dans le but de récompenser les Albanais, principalement des dirigeants de l'UCK, pour leur coopération pendant l'agression de 1999. Il en va de même concernant la stratégie d'élargissement de l'OTAN vers l'Est.
Le gouvernement ne cesse de répéter qu'il est prêt à négocier avec Pristina sur les questions concernant la vie quotidienne, en particulier la vie des Serbes restés dans la province, mais qu'il ne reconnaîtra jamais l'indépendance du Kosovo. En fait, « les relations de bon voisinage », y compris avec le Kosovo, sont des conditions préalables à l'adhésion à l'UE.
L'opposition affirme que le gouvernement évolue vers une reconnaissance de la sécession, si ce n'est formellement, du moins de facto. Cette affirmation n'est pas infondée.
Le mois dernier, seulement deux jours avant le vote à l'assemblée générale des Nations Unies, le gouvernement serbe a abandonné sa propre proposition de résolution sur le Kosovo-Métochie et a accepté la version dictée conjointement par l'UE et les États-Unis et que le secrétariat général de l'ONU avait adopté le 10 Septembre 2010.
Cette résolution ne fait référence ni à la résolution du Conseil de sécurité 1244 (1999) garantissant l'intégrité et la souveraineté territoriale de la Serbie, ni à l'illégalité d'une sécession unilatérale.
Ce texte demande uniquement l'établissement d'un dialogue entre Belgrade et Pristina, avec les bons services de l'UE. Naturellement les USA, l'UE et Pristina ont applaudi cette « attitude coopérative » de Belgrade et cette résolution qui, d'après leur interprétation, exclut toute discussion sur la question du statut de la Province.
"Le génie diabolique s'est échappé de la lampe à huile. Il n'y retournera pas à n'importe quel prix."
Le problème du Kosovo et Métochie est un vieux problème. Dans son essence, il n'a jamais été le problème de la violation des droits de l'homme des Albanais, mais plutôt celui de 15 % de territoire serbe que certains voulaient et veulent toujours intégrer à un projet de grande Albanie…
En dehors de la sécession unilatérale illégale de la province du Kosovo-Metohija (Mars 2008), des tendances séparatistes s'expriment ailleurs dans le pays (districts du sud de Presevo, Bujanovac, Medvedja, région de Raska, Voïvodine).
Nous en sommes toujours à observer les pleins effets de la sécession unilatérale du Kosovo et Métochie, non seulement en Serbie et dans les Balkans mais aussi en Europe et dans d'autres parties du monde. L'Europe occidentale n'est est pas à sa première erreur. Le génie diabolique s'est échappé de la lampe à huile. Il n'y retournera pas à n'importe quel prix.
L'Occident et principalement les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne ont financé et appuyé l'armement et l'entraînement des terroristes de l'UCK de 1997 à 1999. Aujourd'hui, ces mêmes pays qui ont formellement institué un gouvernement illégal sur 15 % du territoire de la République de Serbie et ont approuvé la création d'une armée d'anciens terroristes, exigent maintenant de la Serbie la reconnaissance de cette sécession comme une sorte de monnaie d'échange pour une admission dans l'UE.
L'ancien ambassadeur des USA à Zagreb, Budapest et Belgrade, William Montgomery reconnaît dans son dernier livre que l'agression de l'OTAN de 1999 était une erreur en raison du trop grand nombre de victimes civiles et parce que les Balkans continuent à être instables.
L'agression de l'OTAN n'a rien résolu, bien au contraire, elle a créé de nouveaux problèmes, elle a encouragé les séparatistes albanais en Macédoine, en Grèce et au Monténégro, ainsi que d'autres mouvements séparatistes en Europe et ailleurs dans le monde.
Le Kosovo, la Bosnie et la Macédoine sont autant de « patates chaudes » et de dossiers épineux que les USA souhaitent dès à présent transmettre à l'UE.
Lepcf.fr : En 2006, le gouvernement de la République de Serbie signa l'accord SOFA octroyant aux forces armées américaines présentes sur le territoire serbe, entre autres droits, un statut diplomatique. En 2007, le Ministre Draskovic, passa un accord permettant cette fois-ci le transit des forces de l'OTAN dans des termes qui furent en réalité ceux du protocole secret de Rambouillet présenté par Albright et refusé à juste titre par le Gouvernement dont vous faisiez partie. Est-ce que ces accords ne signifient pas en d'autres termes que la Serbie est devenue si ce n'est un membre objectif de l'OTAN du moins un candidat à long terme, ce malgré l'inscription en 2008 dans la constitution serbe du principe de neutralité ?
ZJ : À mon avis, la Serbie devrait être neutre et devrait poursuivre une politique étrangère équilibrée. De bonnes relations et des coopérations avec les pays voisins sont dans l'intérêt de la stabilité et du développement de la Serbie.
Des concessions exclusives aux États-Unis, tels que les accords auxquels vous faites allusion, dépouillent les mots de liberté, souveraineté et dignité de tout sens.
Lepcf.fr : Comment jugez vous alors la position du gouvernement serbe actuel qui a essayé en vain d'obtenir de la cours pénale internationale qu'elle se prononce sur la légalité de la déclaration d'indépendance du Kosovo qui viole semble-t-il les accords de Kumanovo incarnés par la résolution 1244 de l'ONU ?
ZJ : La Cour Internationale de Justice a seulement donné un avis formel concernant l'acte de déclaration en évitant de répondre à la question fondamentale suivante : est-ce que la sécession unilatérale d'une minorité nationale est en conformité avec le droit international, ou non ?
Dans ce cas particulier, la sécession des Albanais de Serbie est une violation flagrante non seulement des principes fondamentaux du droit international, mais aussi de la résolution du Conseil de sécurité 1244 (1999) de l'ONU garantissant la souveraineté et l'intégrité territoriale de la RFY, à savoir la Serbie.
À mon avis, la Serbie, tout en acceptant un dialogue sur certaines questions, devrait néanmoins défendre fermement le caractère durable de la résolution 1244 et demander sa mise en œuvre effective.
Le fait que les USA, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, pour ne citer que ces quelques pays, aient exprimé un désaccord sur ce point, ne devrait pas faire capituler la Serbie. D'autant plus, qu'une telle position de la Serbie bénéficie d'un soutien continu d'une majorité des pays membres de l'ONU, dont la Russie et la Chine qui sont des membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU.
Cette résolution du conseil de sécurité de l'ONU reste un acte juridique contraignant incontournable pour tous. Sa valeur juridique est supérieure à un avis consultatif émanant de la Cours Internationale de Justice ou de toute autre institution internationale.
Cette question territoriale ne doit pas être instrumentalisée dans les discussions entre l'UE et la Serbie à propos d'une éventuelle adhésion à l'UE.
Belgrade, novembre 2010.
(A écouter aussi cette autre interview de Zivadine Jovanovic réalisé par Michel Collon en mars 2009 : http://www.youtube.com/watch?v=b3h72lJ07Rs )