Pourquoi je suis candidat aux européennes sur la liste PTB+
J'imagine… Je suis au parc de Bruxelles. C'est plein soleil. Je m'approche de la camionnette de crèmes glacées pour acheter un cornet vanille-moka et il me semble reconnaître un type dans la file. Mais oui, c'est le Premier ministre... «Bonjour, Herman. Tant que je t'ai sous la main, tu sais qu'en appliquant un impôt de 2% rien que sur les 25 familles les plus riches du pays,il y aurait de quoi augmenter de 200 euros par mois les 200.000 pensions les plus basses.
- Monsieur, je viens vite me chercher un cornet vanille-fraise entre deux réunions, je n'ai pas le temps de discuter de vos élucubrations. Aujourd'hui, plus personne ne défend ce genre d'idées…
- Et ta sœur!»
Non, attendez, en tant que fidèle fonctionnaire, je ne me permettrais jamais d'être grossier envers un membre du gouvernement. Quand je dis «Et ta sœur» à Herman Van Rompuy, je lui parle vraiment de sa sœur, Tine Van Rompuy, qui, comme moi, est candidate PTB+ (enfin, moi je suis candidat) aux européennes. Et qui défend un impôt sur les grosses fortunes.
Je sais, vous allez dire qu'un fidèle fonctionnaire du SPF Finances, fut-il délégué syndical, n'écrirait pas sur son ministre un livre intitulé Didier Reynders, l'homme qui parle à l'oreille des riches. Eh ben, je suis navré de vous contredire: c'est précisément en tant que fidèle fonctionnaire, soucieux d'une bonne application des principes de justice fiscale, que j'ai écrit ce livre. Des principes dont «mon» ministre ne semble pas trop se soucier.
On a souvent traité le PTB d'extrémiste (aujourd'hui, les médias semblent abandonner cette manie) parce qu'il avance des idées en marge de l'idéologie dominante. Franchement, quand je vois que les holdings d'Albert Frère payent moins d'impôt que sa concierge, j'ai le sentiment que certains extrémistes ont leur cabinet rue de la Loi.
Depuis deux petites années, le PS a régulièrement dénoncé, justement, «l'homme qui parle à l'oreille des riches». (Entre nous, quelle clientèle pour mon livre, les cabinets et groupes parlementaires socialistes.) Je me souviens, après l'échec du PS aux législatives de 2007, Elio Di Rupo m'a invité à petit-déjeuner chez lui, à Mons, pour parler dudit livre. Il le trouvait «édifiant». Vous avez eu besoin de mon bouquin pour voir ce que votre partenaire de gouvernement fait aux Finances depuis 1999? lui ai-je répondu. «Les socialistes n'ont pas été assez vigilants», a-t-il convenu.
Ok, personne n'est à l'abri d'un petit assoupissement idéologique (même si, pour la social-démocratie, il dure depuis un bon siècle). Mais depuis? Reynders, même fragilisé politiquement, continue d'imposer son libéralisme antisocial aux partenaires gouvernementaux.
Il offre Fortis à BNP-Paribas aux frais des contribuables belges (c'est Le Monde qui l'écrit), alors que par leur débâcle financière, les banques privées ont prouvé elles-mêmes la nécessité d'une banque publique.
Il continue, malgré le déficit public, d'offrir des centaines de millions d'euros d'intérêts notionnels à quelques grandes sociétés qui ont mis en place des montages fiscaux pour abuser du système.
Il continue à nier le besoin vital de baisser la TVA sur l'énergie, mais n'hésite pas à réduire la TVA sur les restaurants. J'imagine déjà le slogan électoral: «S'il fait trop froid chez toi, va au Comme chez soi»…
A propos de banque publique, je vais vous raconter une petite histoire. En 1993, le PS accepte la privatisation de la CGER mais promet que l'Etat gardera 50% du capital. En 1998, au moment de céder… les dernières parts de la CGER à Maurice Lippens, l'argument est que la fusion Générale-CGER (au sein de Fortis-Banque) permettra de constituer la «grande banque belge», dont la création, dans le contexte de fusions bancaires de l'époque, avait souvent été envisagée, mais jamais réalisée. C'est même ce qui vaudra à Lippens son titre de comte. En 2009, fin de la petite histoireet de la grande banque belge: celle-ci est cédée à BNP-Paribas. Tout ça pour ça…
Depuis le jour où Fortis a bu la tasse, le PTB défend inlassablement la création d'une banque publique: faisons de Fortis une nouvelle CGER. Au PS ou chez Ecolo, certains francs-tireurs défendent la même idée, mais elle ne suscite pas l'enthousiasme des états-majors.
Lisez leur programme: il faut «réguler» le secteur bancaire. Mais ça, même la FEB le dit. Personnellement, si mon tigre de compagnie avait tué trois de mes enfants, plutôt que de le réguler en lui limant les griffes et les dents, j'envisagerais plutôt de l'échanger contre un chat siamois. C'est très affectueux, vous savez, un siamois. Plus qu'un tigre, même. Et ça se contente de boîtes Whiskas…
Ce combat pour une banque publique, ne le menons pas seulement à l'échelle nationale. Intégrons-le au débat sur l'avenir des services publics en Europe. Au lieu de démanteler les services publics nationaux pour accroître le profit de quelques grandes multinationales européennes, pourquoi ne pas créer quelques grandes entreprises publiques européennes? Une grande entreprise publique européenne de la poste. Une grande entreprise publique européenne des transports. Et une grande CGER européenne.
Mais que laisser au privé, alors? Ben, je ne sais pas, moi… Les camionnettes de crèmes glacées, peut-être?
Marco Van Hees
Avril 2009