La machine propagandiste occidentale, relayée par les pays arabes satellites, tout "dévoués" à leur cause, ainsi que par les médias occidentaux, est désormais bien lancée contre Bachar Al-Assad.
Ainsi, pas un jour ne se passe sans que la presse publie un article contre lui, sans que quelque dirigeant dénonce les atrocités commises "par le régime contre son peuple". Comme pour l'Irak, comme pour la Libye, la pression monte de plus en plus pour faire admettre le renversement d'un chef d'état de pays souverain.
La guerre, c'est ça: pas le machin virtuel qu'il veulent nous fourguer
Voyons quelques titres de presse :
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, quatorze personnes ont été tuées dans ce pays meurtri par une crise qui a fait "aux alentours de 8 000 morts" en onze mois, a confirmé le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, sur RTL. "On a franchi toutes les limites de la barbarie", a-t-il estimé. Le bilan des victimes de la répression est "certainement bien supérieur à 7 500 morts", a déclaré de son côté Lynn Pascoe, secrétaire général adjoint de l'ONU pour les affaires politiques, qui a cependant admis que l'ONU ne pouvait "pas donner de chiffres précis".
NB: l'"Observatoire syrien des droits de l'homme", sur lequel s'appuient les médias pour donner leurs chiffres, opèrerait et "observerait" depuis Coventry, en Angleterre, avec, pour matériel, un ordinateur. C'est dire s'ils sont carrément dans le feu de l'action, avec du matériel High Tech.
Monarchies arabes /Les ambassadeurs de Syrie expulsés; AFP, mardi 07 février 2012
Les six monarchies du CCG (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Oman, Qatar et Koweït) C'est-à-dire, les vice-rois mis en place, protégés par l'Empire, et qui lui sont tout dévoués. On peut leur faire confiance, donc.
"Syrie : Non-assistance à peuple en danger" par Laurent-David Samama dans "La règle du jeu
Introduction
Chaque jour, dans les rues de Homs et de Damas, le peuple syrien clame son opposition au régime sanguinaire de Bachar al-Assad. Celui-ci, sentant son pouvoir vaciller, utilise des moyens toujours plus violents pour réprimer la fronde de son peuple. Chaque jour, ce sont plusieurs dizaines de civils qui périssent sous les bombardements et les tirs d'artillerie lourde de l'armée syrienne. Impuissante, divisée, la Communauté internationale assiste au massacre du peuple syrien par caméras interposées. Protégé par la Chine et la Russie, Le régime de Damas survit encore, protégé par la Russie et la Chine. Mais pour combien de temps encore ?
Oui, ces salauds de Russes et de Chinois, complices d'assassinats, qui empêchent les Occidentaux, c'est bien connu, empathiques et désintéressés, d'agir pour faire cesser des atrocités.
Et, cerise sur le gâteau:
Dans ce même organe de propagande de M. Botul himself, on trouve, écrit de sa plume, le mardi 28 février 2012:
Il faut, maintenant, une intervention en Syrie
Le 19 mars, cela fera un an, jour pour jour, que des escadrilles d'avions français, puis, dans un deuxième temps, anglais, américains, arabes, auront sauvé Benghazi d'une destruction annoncée.
Eh bien, les choses étant ce qu'elles sont et si, non seulement la France, mais la communauté internationale ne se ressaisissent pas, cet anniversaire risque d'avoir un mauvais parfum de cendres et d'échec. Car il y a, aujourd'hui, un nouveau Benghazi.
Il y a une ville, dans la région, qui est dans l'exact cas de figure qui était celui de Benghazi.
Il y a une ville qui se trouve, pour être précis, dans une situation presque pire que celle, alors, de Benghazi puisque le même type de chars, positionnés de la même façon, à la même distance des populations civiles désarmées, sont, cette fois, depuis des mois, déjà passés à l'œuvre.
Cette ville, c'est Homs.
Evidemment, l'auteur omet un léger détail: ce qui c'est passé entre deux, à savoir, la désintégration de la Libye, la dévastation de la ville de Syrte et d'autres, la destruction d'infrastructures, le démantèlement de la société, la mainmise sur les avoirs du pays, les tortures et assassinats commis, depuis, par ses amis, les "révolutionnaires". Sans oublier son rôle primordial dans cette destruction, les exhortations à la guerre qu'il a menées tambour battant dans le bureau présidentiel, qui ont conduit à ce désastre humanitaire et dont les champions de l'intervention "humanitaire" se désintéressent totalement depuis les humiliations, la torture, le lynchage qu'a subis Kadhafi avant d'être assassiné froidement, ainsi que la liquidation d'une partie de sa famille.
Mais si c'était un "dictateur sanguinaire" on ne va pas pleurer, hein. On a déjà du mal à compatir à la mort de centaines de milliers d'innocents qu'on a provoquée, alors, bon.
Il poursuit:
"Il y a un moment où trop, c'est trop.
Il y a un moment où, face au carnage, face à la bagatelle des 8000 morts qu'ont faits les chars de Bachar el-Assad, face à la lugubre bouffonnerie de ce référendum que l'on prétend organiser, de surcroît, sous les tirs de snipers et les obus, il faut avoir l'élémentaire dignité de dire stop".
"Il y a un moment, oui, où une communauté internationale qui a voté à une écrasante majorité (137 voix, le 16 février, à l'assemblée générale des Nations unies) la condamnation de l'assassin ne peut plus se laisser prendre en otage, et paralyser, par ces deux Etats voyous que sont, en la circonstance, la Chine et la Russie. (…)
C'est clair, deux pays qui s'opposent à la volonté destructrice d'une coalition toujours plus assoiffée d'invasions et de sang ne peuvent être que des Etats voyous.
En revanche, jamais aucune indignation (évidemment) contre l'"état voyou" qui ignore les multiples résolutions votées depuis 1973 par l'assemblée générale des Nations unies contre Israël, le pays qui détient, on le sait maintenant, grâce à lui, l'"armée la plus morale de monde".
Suivent ses directives stratégiques pour éviter de toucher la population civile dans une ville – ce qui va rendre grand service à ces incompétents de militaires.
Et il conclut:
Tout cela est risqué ?
Bien sûr.
Mais moins que la guerre civile à laquelle travaille Assad et qui transformerait la Syrie en un nouvel Irak. Moins que le renforcement, si Assad l'emportait, de cet axe chiite dont on rêve à Téhéran et qui menace la paix du monde.
Et moins que le désastre moral auquel nous aurions à faire face si la « responsabilité de protéger », superbement assumée en Libye, devait, en Syrie, retourner dans l'enfer des idéaux trahis.
En toute bonne foi, bien entendu.
(Je vous laisse lire le reste du billet sur son site, si le cœur vous en dit. ).
Conclusion:
BHL pousse à l'intervention humanitaire dans les plus brefs délais en Syrie, afin, dit-il, d'éviter la guerre civile qu'El-Assad appelle de ses vœux, alors que celui-ci propose hypocritement, pour amuser la galerie, sans doute, "la lugubre bouffonnerie de ce référendum que l'on prétend organiser" et piétine de dépit devant l'inconscience de la Chine et de la Russie qui refusent d'assumer la "'responsabilité de protéger', superbement assumée en Libye! ". ("superbement assumée en Libye" : exactement ce que j'aurais dit). Mais il faut bien ça, parce que, sinon, la paix du monde serait menacée par cet axe chiite dont on rêve à Téhéran.
Tiens, si ce n'était si pathétique j'en rigolerais.
Le problème, hélas, dans cette affaire, c'est qu'Al Assad "dispose de deux alliés de poids que n'avait pas Kadhafi et qui sont l'Iran et la Russie". Ah, l'Iran, encore un dictateur sanguinaire à mater là-bas. Il ne perd rien pour attendre: on règle cette affaire d'Al-Assad et on y va.
Rappelons-nous: Kadhafi à peine froid, il avait déclaré avec l'ardeur de l'illuminé:
"A qui le tour ? Bachar el-Assad ! Ou... ou Mahmoud Ahmadinejad, hein, ou Ahmadinejad en Iran ! Voilà ! Il y en a deux là, qui sont évidemment dans la ligne de mire, mais, pas, pas d'la France… de l'Histoire Universelle ! C'est un théorème maintenant. C'est le théorème 2011 ! Un dirigeant qui fait donner sa police, son armée, ses milices contre son peuple, d'une manière ou d'une autre : il dégage !" … forcément Bachar el-Assad ! Forcément ! Forcément, un jour ou l'autre Ahmadinejad et le régime iranien en général.
Eh bien, ça y est, on y est. On plie l'affaire Assad et on va bombarder l'Iran. Où est le problème? Juste à trouver un moyen d'agiter un peu la population contre le dictateur sanguinaire et hop, c'est comme si c'était fait.
Evidemment, les épouvantails des occidentaux, les "islamistes", voire "terroristes", s'ils sont persona non grata quand cela les arrange, ne leur posent aucun problème quand ils veulent se débarrasser d'un empêcheur de balkaniser en rond.
Qui parle des factions sectaires en Irak, en Libye et maintenant en Syrie, tapies dans l'ombre pour s'emparer du pouvoir - et qui remplaceront une dictature laïque par une tyrannie religieuse?
Qui parle de la nébuleuse qui constitue le "mouvement d'opposition" syrien et ceux qui les encouragent vivement, voire les arment en sous-main?
La secrétaire d'Etat US les appelle "les amis d'une Syrie démocratique" et les exhorte à s'unir et à se retourner contre le président El Assad.
Outre certaines des forces d'opposition en Syrie, les "amis de la Syrie" sont également le regroupement de pays qui soutiennent les efforts des précédents pour renverser Assad.
Parmi eux, les pays occidentaux, la Turquie et les pays arabes, en particulier ceux dirigés par l'Arabie saoudite ou le Qatar, qui financent très généreusement l'opposition (belle ouverture d'esprit de leur part que de s'intéresser à des démocrates, quand ils ne sont pas eux-mêmes enclins à privilégier ce genre de régime).
Mais, que dit-on côté USaméricain?
Eh bien, on a comme une impression de déjà-vu ces derniers temps.
Le 4 février dernier, Obama condamnait la répression menée par le gouvernement syrien dans un communiqué (que je vous conseille de lire in extenso, en anglais ) publié par la Maison Blanche:
"Je condamne vivement la répression inqualifiable du gouvernement syrien menée contre la population d'Homs et je présente toutes mes condoléances à ceux qui ont perdu des êtres chers. Assad doit immédiatement cesser sa campagne de massacres et de crimes contre son propre peuple. Il doit se retirer pour laisser s'opérer une transition démocratique immédiate".
Ou encore:
"Assad n'a pas le droit de gouverner la Syrie, et a perdu toute légitimité auprès de son peuple et de la communauté internationale. La communauté internationale doit s'efforcer de protéger le peuple syrien de cette brutalité abjecte".(il est vrai que la délicatesse et l'empathie des Etats-Unis vis-à-vis des populations innocentes sont légendaires. Il n'y a qu'à demander en Afghanistan, en Irak, en Libye, au Yémen, en Somalie, à Guantanamo, à Bagram, à Abu Ghraib et ailleurs, qui ne pourront que confirmer).
Tiens, tiens! Obama recycle ses discours, lui aussi.
Concernant la Libye, Obama avait déclaré, en mars 2011:
"A partir de maintenant, nous ne cesserons de répéter de façon claire et nette: les violences doivent cesser. Mouammar Kadhafi a perdu toute légitimité pour gouverner, et il doit partir. Ceux qui ont commis des violences contre le peuple libyen seront tenus pour responsables de leurs actes. Et les aspirations du peuple libyen à la liberté, la démocratie et la dignité doivent être satisfaites".
D'autre part, Obama, déclarait, après la mort de Kadhafi, que celui-ci avait "raté l'occasion d'instaurer la démocratie dans son pays et décrivait sa mort comme un message envoyé aux dictateurs à travers le monde qui est que les peuples veulent être libres.
"Il a eu l'occasion pendant le printemps arabe de desserrer son étreinte sur le pouvoir et d'effectuer une transition pacifique vers la démocratie. Nous lui avons donné une ample opportunité qu'il n'a pas saisie".
Voilà. El Assad, lui n'a rien saisi du tout non plus, on suppose, puisque, à part organiser un référendum sur une nouvelle Constitution, et annoncer que des élections législatives se tiendront 90 jours après, il n'a rien fait.
Mais Washington ne s'y est pas trompé, qui a, aussitôt, dénoncé un scrutin d'un "cynisme absolu".
Hillary Rodham-Clinton, Madame"on-est-venu-on-a vu-il-est-mort", avaitdéclaré, de son côté, à propos de la Libye, le 28 février 2011 à Genève devant le Conseil des Droits de l'homme :
"On apprend que des soldats ont été exécutés pour avoir refusé de retourner leurs armes contre leurs concitoyens, et qu'il y a eu des assassinats, des arrestations arbitraires, ainsi que des tortures.
Le colonel Kadhafi et son entourage doivent rendre des comptes de leurs actes, qui violent les lois internationales et la décence commune.
Avec ces actions, ils ont perdu la légitimité de diriger un pays.
Ces violations des droits universels sont inacceptables et ne peuvent en aucun cas être tolérés. (…)
C'est, au final, le peuple libyen qui décidera de son propre destin et qui créera son propre gouvernement. Ils affrontent actuellement les balles du dictateur et mettent leur vie en danger pour pouvoir profiter des libertés qui reviennent de droit à chaque homme, chaque femme et chaque enfant sur terre."
Pour ce qui est de la Syrie, Ms Clinton est, évidemment, "scandalisée" de voir comment le régime El Assad traite son propre peuple, mais a déclaré qu'elle n'envisageait pas une intervention armée – pour l'instant, cela dit - et qu'elle était contre le fait d'armer les opposants (même si de toute évidence, ils le sont déjà, mais chut! Ca ne compte pas si ce n'est pas officiel).
Toutefois, elle n'entend certainement pas lâcher sa proie.
Le 4 février dernier, Clinton déclarait:
"Chaque fois que des tyrans refusent d'écouter les revendications légitimes de leur propre peuple, nous devons collaborer pour leur lancer un message clair: on ne peut pas arrêter le cours des choses sous la menace des armes".
Et lors de la conférence internationale réunissant les ministres des Affaires Etrangères des "Amis de la Syrie" qui s'est tenue à Tunis, le 24 février dernier, elle a prévenu le régime syrien qu'il paierait le "prix fort" s'il s'obstinait à ignorer la voix de la communauté internationale, et offert 10 millions de dollars pour soutenir l'aide humanitaire en Syrie (c'est sympa, parce qu'ils sont plutôt fauchés, les US, ces temps-ci, mais si c'est pour la démocratie, hein?).
D'autre part, elle demande, évidemment, à Assad de se retirer et de laisser la place au CNS (Conseil National de Syrie) – un groupe aussi transparent que le CNT libyen– et propose d'envoyer ensuite une Force de Maintien de la Paix de l'ONU.
Cette attitude "retenez-moi-ou je fais un malheur" pourrait bien être due au veto que la Chine et de la Russie ont opposé au projet de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur la Syrie, le 4 février dernier.
D'ailleurs, elle ne décolère pas.
La secrétaire d'Etat USaméricaine a déclaré devant la presse à l'issue de la Conférence internationale sur la Syrie:
Moscou et Pékin "doivent comprendre qu'ils ne se mettent pas seulement en travers des aspirations du peuple syrien, mais également du Printemps arabe. Il est plutôt désolant de voir deux membres du Conseil de sécurité user de leur veto quand des gens sont assassinés. Nous devons faire changer de position les gouvernements chinois et russe".
Cette déclaration n'a plu ni à Pékin - qui a déclaré, par la voix de son porte-parole du ministère des Affaires étrangères: "Nous ne pouvons pas accepter cela (...) le monde extérieur ne devrait pas imposer son plan de solution de la crise au peuple syrien";
Ni à Moscou, où Vladimir Poutine, a fustigé l'attitude "cynique" de l'Occident vis-à-vis de la Syrie.
Evidemment, on pourrait comprendre la compassion que manifeste madame Rodham-Clinton envers les victimes innocentes si cela ne faisait pas plus de 50 ans que les Etats-Unis ne "se mettaient en travers des aspirations du peuple" palestinien.
"Cynique". C'est bien le mot.
Et du côté de la Grande Bretagne?
"Le régime (de Syrie) est un régime condamné en même temps qu'un régime assassin. En aucune façon, il ne peut retrouver sa crédibilité que ce soit au niveau international ou auprès de son propre peuple", a déclaré sur Sky News le petit ministre des affaires Etrangères, William Hague, appuyant docilement le scénario de Washington.
"parce ce que le régime est intraitable, parce qu'il se livre depuis dix mois à la violence et à la répression sans bornes – plus de 6,000 personnes ont été tuées, 12000 à 14000 sont détenues et soumises à toutes sortes de tortures et de mauvais traitements – ce qui pousse certains de ses opposants à commettre des actes de violence eux-mêmes" a ajouté Hague.
Donc, toutou pareil.
Je vous épargnerai les diverses déclarations des responsables en France , du même niveau.
Décompte des morts
Curieux tout de même, qu'on nous annonce des chiffres précis sur les morts causées par les "dictateurs sanguinaires" qui "tirent sur leur propre peuple", qui servent à justifier une "intervention humanitaire" dans le cadre de la " responsabilité de protéger".
Ainsi, Kadhafi avait été accusé d'avoir fait tuer 6000 personnes innocentes, Al Assad, lui, c'est 7 à 8000. Kif-kif, quoi.
Ces chiffres ont été établis sur la foi d'organisations des "droits de l'Homme".
Ainsi, l'une des principales sources à l'origine de l'affirmation selon laquelle Kadhafi aurait décimé son propre peuple est la Ligue libyenne des Droits de l'Homme, dont plusieurs de ses membres faisaient partie, devinez quoi? ... du CNT. Le 21 Février 2011, le secrétaire général de la ligue libyenne des droits de l'homme, le Dr Sliman Bouchuiguir avait, avec l'organisation UN Watch et la National Endowment for Democracy (NED), fait signer une pétition à plus de 70 ONG.
Pour ce qui est de la Syrie, c'est cet obscur "Observatoire des Droits de l'Homme", basé à Londres (ou à Coventry, selon les sources) qui fournit les informations sur ce qui se passe sur le terrain en Syrie.
Ces informations sont reprises dans les médias français, anglo-saxons et même arabes (Al Jazeera). Son président, Rami Abdel Rahmane, déclare que l'association compte 200 adhérents. D'autres affirment qu'ils seraient ...deux.
Comment les grands médias peuvent-ils accorder le moindre crédit à une source aussi douteuse?
Pourtant, ces mêmes médias sont complètement fâchés avec les chiffres quand il s'agit d'indiquer le nombre de victimes quand les forces occidentales, leurs marionnettes, les services secrets, les mercenaires et autres assassins occupent un pays.
ONG humanitaires
Outre la Fédération des Droits de l'Homme (FIDH), Amnesty International et Human Rights Watch ont choisi le camp des belligérants et appellent à une 'intervention humanitaire" pour "protéger les populations".A lire (en anglais) cet excellent billet de Glenn Fiord dans Black Agenda Report :SYRIA: "Human Rights" Warriors for Empire: Amnesty International and Human Rights Watch have chosen the side of Empire in the Washington-backed belligerency.
J'y reviendrai.
Alors récapitulons :
Donc, pour que cela nous "parle, il faut:
- Un dictateur sanguinaire", qui commettrait des "atrocités", qui « assassinerait son propre peuple » (NB: le concept d' "intervention humanitaire" est une sacrée trouvaille, qui permet de maquiller les guerres d'invasion en opérations philanthropiques), puis, pour relancer la machine, qui s'en prendrait aux bébés, aux femmes ou autre catégorie vulnérable, apte à soulever l'indignation des populations occidentales sous influence;
- Un "Bengazi" –une ville "assiégée", où l'armée pilonnerait des populations civiles « innocentes » qui manifestent « pacifiquement » (et en brandissant, parallèlement la menace d'une guerre civile si rien n'est fait pour arrêter le carnage) ;
- Tout un tas d'agitateurs sur le terrain: « conseillers » militaires étrangers, agents des services secrets, mercenaires, etc.
- L'appel d'ONG humanitaires, apparemment au-dessus de tout soupçon (LDH, Amnesty), à protéger les populations civiles, prises dans une « souricière », dans un « bourbier » et que seuls les pays surarmés peuvent régler.
C'est le même scénario qui s'est déroulé maintes fois : combien de fois encore allons-nous gober cela avant de nous rendre compte que nous nous faisons berner et que nous donnons notre aval à des massacres et des pillages de pays souverains ?
Cette guerre-là, c'est celle qui est livrée aux pays rebelles qui refusent de s'aligner
Le prochain sur la liste à être démantelé et redécoupé en territoires rivaux, ce sera l'Iran, qui subit depuis longtemps la diabolisation des pays occidentaux.
Et, une fois cette mission terminée, la Palestine, sans alliés, livrée pieds et poings à Israël et ses alliés, sera définitivement rayée de la carte.
Puis viendra le moment de s'attaquer aux pays insoumis d'Amérique latine, qui, pour l'instant s'émancipent bien trop pour la tranquillité de l'Empire.
Et, enfin, sommes-nous, dans les pays occidentaux – et en particulier en Europe - à l'abri?
Pas du tout. Bien au contraire. C'est une guerre sans merci, également. Mais c'est une guerre sans victimes visibles (ou peu), sans bruits de bottes (pour l'instant), où les militaires cèdent la place aux banquiers et autres requins de la finance et à leurs mercenaires. Cette guerre est actuellement menée de façon ostensible en Grèce, en Irlande, en Espagne, au Portugal, etc.
Et bientôt ici même.
Elle s'attaque d'abord aux peuples les plus affaiblis par les mesures prises par les gouvernements successifs, prescrites par les directives qui leur sont imposées par Bruxelles et les lobbys internationaux qui y font la pluie et le beau temps, les peuples de l'UE ayant été dépossédés de tout pouvoir de décision, même dérisoire.
Les chefs d'Etat, petits gouverneurs de province, chefs de gouvernements fantoches, sont chargés d'exécuter les basses besognes: liquider les services publics, réduire les aides sociales, réduire les impôts, creuser des déficits en favorisant les grandes entreprises, tout cela pour faire monter en flèche la dette, ce qui les amènera à prendre des mesures d'austérité dont seuls les peuples pâtiront.
Leur autre mission, c'est de parvenir à ne conserver que les pouvoirs régaliens (police, justice, armée) qui leur permettront d'intimider les insoumis, de mater les révoltes et d'asservir les populations.
C'est la raison pour laquelle nous votons systématiquement depuis des décennies "pour le changement" et que droite dure et droite molle se succèdent aux manettes. Mais de changement, il n'y en a point. Tout est verrouillé. Tout est joué.
Et, aujourd'hui, nous avons atteint un nouveau palier.
Les chefs d'état, jusqu'ici élus "démocratiquement", de pays déclarés "en faillite" sont désormais carrément renversés et remplacés par des gestionnaires de la finance internationale, comme Papandréou et Berlusconi. Ce qui veut bien dire que, là encore, comme au Proche-Orient ou en Afrique, nous ne maîtrisons rien.
Cela n'a pas ému grand monde, hélas, les limogés sont partis sagement, sans faire d'histoire, il n'y a pas eu besoin de les assassiner, comme Saddam ou Kadhafi. Sans doute parce qu'ils ont été bien récompensés pour leurs bons et loyaux services et, également, parce que personne ne se serait battu pour les garder, et donc, cette violation de la souveraineté des Etats n'a fait l'objet d'aucune protestation.
Comme quand il s'agit de "dictateurs".
Ils sont très forts et nous sommes anesthésiés, empreints que nous sommes de nos certitudes et de notre supériorité.
Accepter que les Saddam, Kadhafi, Assad, Berlusconi, Papandreou, et autres, soient contraints par des entités extérieures, de façon plus ou moins radicale, de quitter leurs fonctions à la tête d'un Etat, c'est renoncer, à longue ou brève échéance, à nos droits de citoyen-ne-s et au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Message personnel à tous les "anti-impérialistes /"anticapitalistes" autoproclamés: cautionner des guerres, quelles qu'elles soient, quel que soit le nom qu'on leur donne, quel que soit le motif invoqué, c'est approuver la mainmise de l'Empire sur des Etats souverains. Il s'agit donc, soit de changer d'avis, soit de changer d'étiquette.
Liens annexes:
Rapport sur la Syrie
Un excellent document pour qui veut approfondir.
Organisée à l'initiative du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R1) et du Centre international de recherche et d'études sur le terrorisme etd'aide aux victimes du terrorisme (CIRET--‐AVT2), une délégation internationale d'experts s'est rendue en Syrie du 3 au 10 décembre 2011, afin d'évaluer la situation syrienne en toute indépendance et neutralité.
jeudi 1 mars 2012,
1-2 Vidéo : Des militaires français capturés (vidéo sous-titrée):
On apprend le 5 Mars 2012 que des troupes militaires françaises ainsi que leurs officiers ont été capturés en Syrie. On n'en sait pas encore beaucoup sur ce coup de filet magistral totalement censuré des médias de l'héxagone mais Paris aurait, pour l'instant, simplement décidé d'envoyer son ambassadeur à Damas pour résoudre ce petit.... souci.
05-03
1-3 Video : 5 questions à Thierry Meyssan à propos de Baba Amr (vidéo du 6 mars 2012):
1-4 La France rétablit la censure militaire:
1-5 Vidéo : Pierre Piccinin rétablit la vérité sur la situation en Syrie
1-6 Vidéo ; A quoi servent les reporters de guerre ?
1-7 Charte de Munich (1) et manipulations
La crise syrienne a fait connaitre aux medias français un personnage atypique : Mère Agnès Mariam de la Croix.
Cette religieuse à la double nationalité libanaise et française est établie en Syrie depuis deux décennies. Soucieuse de connaître et de faire connaître la réalité de la situation sur le terrain elle a eu à cœur de répondre à l'initiative de l'Union Catholique Internationale de la Presse qui cherchait à inviter des journalistes de la presse chrétienne européenne pour qu'ils puissent constater par eux-mêmes cette réalité qui, tout en étant complexe, était très mal médiatisée. Elle fit à tâtons les démarches auprès du Ministère de l'Information syrien grâce à une recommandation de l'organisation catholique. Contre toute vraisemblance elle obtint les visas pour les journalistes.
Devant l'impossibilité de trouver des traducteurs qui acceptent de se rendre à Homs et sa région, elle n'eut d'autre alternative que de le faire par elle-même. C'est alors qu'elle vit de ses propres yeux ce que les citoyens lui racontaient. Lors de la conférence de presse qui conclut au Liban ce premier voyage journalistique elle fut sollicitée pour parler au nom des journalistes. Ce qu'elle révélait assez ingénument au nom de seize journalistes de tendances diverses provoqua un immense émoi. Cette première onde de choc contrecarrant la campagne abêtissante de désinformation déchainée à l'encontre de la Syrie, fut décuplée avec les publications dans certains médias « mainstream » des articles ou des émissions des journalistes participant à cette odyssée qui tranchait avec la doxa en cours. Le message des journalistes, rapporté d'autant plus fidèlement par Mère Agnès-Mariam qu'elle en était elle aussi témoin, était que la situation en Syrie n'était pas binaire comme le martelaient les chaînes satellitaires tendancieuses : d'un côté des manifestations pacifiques et de l'autre les forces de l'ordre qui les oppriment, mais qu'elle était bien plus complexe avec la présence de bandes armées non identifiées qui harcelaient sauvagement et la population civile sans défense et les forces de l'ordre retranchées dans leurs casemates. Elle devint alors une figure médiatique incontournable par son courage à dire ce qu'elle voyait joint à sa connaissance du pays ainsi qu'à son statut de religieuse non alignée qui lui confère un crédit exceptionnel. Cependant elle fut vite honnie par les grands médias français puisqu'elle ne cautionnait pas la vision simpliste et caricaturale qu'ils cherchaient à diffuser.
La tentation sera donc forte de lui faire porter la responsabilité indirecte de la mort du journaliste français Gilles Jacquier le 11 Janvier à Homs.
Pourtant ce qui est vérifiable, puisqu'écrit, c'est qu'elle n'a pas invité les journalistes mais a seulement accepté de donner suite à une demande écrite de France TELEVISIONS pour permettre à l'équipe Jacquier d'aller faire un reportage dans les unités de l'armée syrienne en butte aux attaques des « rebelles » (2). Les Unités basées à Homs étaient expressément nommées ainsi que les précautions nécessaires pour cette mission (casque et gilet pare-balles). Mère Agnès Mariam s'occupe d'obtenir les autorisations nécessaires pour satisfaire cette demande. On était avant la période où, grâce à la présence des observateurs de la Ligue Arabe, le gouvernement avait ouvert la porte aux journalistes étrangers. L'intercession de Mère Agnès Mariam était alors encore nécessaire comme elle l'avait été pour la presse chrétienne les mois précédents. D'autres journalistes se joignirent progressivement à ceux de France 2. L'équipe Jacquier arrive le 7 janvier et évolue librement le 8 à Damas. Gilles Jacquier lui apprend très vite qu'il désirait rencontrer les « rebelles » de Bab Sbah, à Homs et que, pour cela il avait fait des contacts très significatifs. Par souci d'honnêteté elle accepta de lui trouver les permissions nécessaires pour passer des zones loyalistes aux zones dissidentes.
Les journalistes accompagnent la Mère le 9 à une prière commémorative de deux personnes assassinées par les rebelles. Puis elle les rejoint pour une rencontre qu'ils boudent très vite car aux antipodes de leurs convictions, enfin ils vont ensemble au ministère des Affaires étrangères C'est durant cette journée passée en leur compagnie que Mère Agnès-Mariam remarque que les journalistes se comportent très mal, allant même jusqu'à l'enregistrer à son insu. A leur demande, elle les rencontre le 10 Janvier au soir pour faire le point et allonger leur visa. Pour ce faire, elle les avertit qu'elle ne pourra pas continuer à les prendre sous sa responsabilité s'ils n'étaient pas fidèles à la charte de Munich. De plus le ministère de l'information réclamait qu'ils restent ensemble. Elle manifesta son étonnement devant Gilles Jacquier qui présentait un programme débordant le cadre fixé par la Direction de France Télévisions et pour lequel il avait explicitement obtenu son visa. Plus tard, elle comprit qu'elle avait été manipulée pour obtenir ce visa lorsqu'elle vit Sofia Amara confier à CNN que, juste avant son départ pour la Syrie, Gilles Jacquier lui aurait dit qu'il était « obligé » d'aller dans les zones loyalistes mais que, dès qu'il pourra, il « désertera » pour aller chez les rebelles. Pour couper court à la discussion elle demanda à tout le groupe de décider par lui-même quelle serait sa prochaine étape. C'était, soit rester ensemble et accepter explicitement la fidélité à la Charge de Munich, soit attendre la fin du visa et partir car la Mère refusait de prendre sous sa responsabilité des journalistes peu crédibles.
Les journalistes décident d'aller à Homs. Précisément le Ministère de l'Information affrétait le lendemain un grand autocar pour Homs. Voudraient-ils en profiter avec d'autres reporters « mainstream » ? Nos journalistes choisissent unanimement d'aller à Homs par leurs propres moyens. Mère Agnès-Mariam doit déléguer ses pouvoirs à deux d'entre eux arabophones. Elle les avertit solennellement que la Syrie est un pays en guerre et qu'à Homs c'est l'enfer. Et leur rappelle qu'il est interdit de s'aventurer à Homs au-delà de 15 heures car c'est à partir de cette heure que les tirs reprennent chaque jour depuis les quartiers rebelles. A partir de ce moment-là l'équipe Jacquier et le reste des journalistes s'organisent seuls. Le lendemain ils se perdront les uns les autres et arriveront à Homs vers 14heures. Pour « profiter du temps » ils décident d'aller visiter les quartiers alaouites. Un groupe des forces de sécurité les accompagne et les prie de ne pas s'éloigner d'eux afin qu'ils puissent assurer leur sécurité. Arrivés au quartier Hadara ils font des interviews. A 14h45 précises, le colonel leur enjoint de repartir. Mais le groupe de la Télévision flamande n'est pas à l'appel. Leur équipe avait dérivé plus loin. On va à sa suite et on la retrouve mêlée à une manifestation pro régime organisée pour le groupe des médias « mainstream » dans le bus affrété par l'Etat mais les journalistes qui l'occupaient s'étaient montrés plus prudents que notre groupe puisqu'à 14h45 ils avaient décidé de partir sans attendre l'arrivée de la manifestation. En voyant le grand bus s'éloigner, la vigie des rebelles avait cru que les journalistes étaient partis. Elle était incapable de repérer de loin la présence d'autres journalistes dans des voitures privées. Ces derniers se mêlent imprudemment à la manifestation et lorsque les deux premiers obus tombent ils se précipitent imprudemment à l'affut d'images fortes. On est vers 15h35. Le troisième tir fait 8 morts dont Gilles Jacquier (3).
Il est donc permis de s'interroger :
- sur le mensonge et la manipulation au sujet de la mission de l'équipe Jacquier : faire un reportage sur les unités loyales de l'armée syrienne comme le précisait la lettre de France TELEVISIONS n'est pas la même chose que rencontrer les « rebelles » ou, plus tard, décider de rester à Damas et Daraa pour faire une étude sur les « hommes d'affaires ».
- sur les risques pris par l'équipe Jacquier et les autres journalistes malgré les mises en garde de Mère Agnès.
- sur l'absence de précautions élémentaires pour des professionnels habitués à ce type de mission : gilet pare-balles, casque, pour aller faire des photos là où des tirs de mortiers des « rebelles » étaient quotidiens
- Sur la terrible campagne de diffamation déchaînée contre elle pour politiser son action et discréditer son témoignage.
Aurait-on cherché à décrédibiliser un témoin de poids qui dérangeait le dispositif propagandiste visant à pousser la Syrie vers un vide constitutionnel et le chaos?
Cette déclaration rédigée et approuvée à Munich les 24 et 25 novembre 1971 a été adoptée depuis par la fédération internationale des journalistes et par la plupart des syndicats de journalistes en Europe.
Dans le chapitre des devoirs du journaliste elle stipule : « 4- Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents. »
(2) extrait de la lettre de France Télévisions : « tourner ce reportage dans les rangs de l'armée syrienne accusée par la plupart des médias du monde entier, de réprimer le mouvement de contestation dans le sang. Peut‐être à tort ?". »
(3) Le rapport des observateurs de la Ligue Arabe confirme bien que c'est un tir de mortier des « rebelles » qui a tué Gilles Jacquier
COMAGUER
17.02.2012
1-8 Raghga Bittar : Paul Craig Roberts : « campagne médiatique menée actuellement contre la Syrie par les Etats-Unis. »
Washington/ L'écrivain américain Paul Craig Roberts a critiqué la campagne médiatique menée actuellement contre la Syrie par les Etats-Unis, précisant que ceux qualifiés de "manifestants pacifiques" sont en réalité des combattants armés payés par Washington qui essaye de semer la guerre civile en Syrie.
Qualifiant de mensonger le gouvernement américain, l'écrivain américain a précisé, dans un article publié sur le site de l'Institut américain socio-économique, que Washington prétendait qu'il œuvrait pour sauver les civils syriens comme l'avait fait au cas libyen avec le peuple de la Libye qui était le victime de miliciens armés, avertissant que l'objectif est de détruire la Syrie à l'instar de la Libye.
Il a affirmé que Washington ne veut pas un gouvernement démocratique en Syrie mais une marionnette dans la main, chose affrontée par le président Bachar al-Assad, qui était plus intelligent que Washington, par l'élaboration d'une nouvelle constitution qui guidera la Syrie vers la démocratie, précisant que l'agressivité des Etats-Unis et d'Israël envers le président al-Assad revient à son refus d'être leur marionnette.
Il a ajouté que Washington essayait désespérément de faire de la mer méditerranéenne une île américaine, de créer une révolution à l'intérieur de la Russie et de combattre la Chine par la coupure des ressources de l'énergie pour viser ensuite l'Iran qui exporte vers la Chine 20% de ses ressources pétrolières.Raghga Bittar
21 Fév 2012
http://www.sana.sy/fra/55/2012/02/21/401941.htm
1-9 Guy Delorme, : Après la mort des deux journalistes occidentaux, Sarkozy et Juppé nous refont le coup de Gilles Jacquier
Marie Colvin, la reporter américaine victime du même projectile que Rémi Ochlik à Homs
Comme prévisible, la France, à travers les personnes de Nicolas Sarkozy et d'Alain Juppé, a vivement réagi à la mort du journaliste-photographe Rémi Ochlik, tué ce matin à Homs par un projectile d'origine encore indéterminée. Alain Juppé a exigé l'arrêt immédiat des attaques en Syrie, et réclamé « un accès sécurisé et médicalisé pour porter secours aux victimes » – sous entendu de la répression du régime – rappelons quand même à ce sujet que la Croix-rouge est en nécociations avec les deux parties pour obtenir deux heures de trêve quotidiennes à Homs. « Plus que jamais la France est déterminée à agir pour que cesse la sauvage répression dont est victime chaque jour le peuple syrien » a déclaré, dans son registre habituel de solennité creuse, l'actuel occupant du quai d'Orsay.
Et, pour commencer, l'ambassadeur de Syrie en France, Lamia Chakkour va être convoquée incessamment au Quai d'Orsay, pour s'entendre reprocher le « caractère intolérable du comportement du gouvernement syrien ».
Quant au patron d'Alain Juppé (Nicolas Sarkozy, et non Barack Obama, NdlR) il a lâché, histoire de tirer une morale politiquement correcte de ce drame, ce « raccourci » : »Maintenant, ça suffit (…) ça montre ce régime doit partir« .
Peut-être ces messieurs espèrent-ils trouver avec le malheureux Rémi Ochlik leur revanche de l'affaire Gilles Jacquier, dont ils avaient bien été obligés de reconnaître – enfin d'accepter silencieusement – que sa mort n'était pas, hélas, le fait du régime syrien mais plutôt de ses opposants.
Rappelons qu'on ne sait pas d'où venait l'obus – ou la roquette selon d'autres sources – qui a tué les deux journalistes français et américain, et blessé plusieurs autres. Et que si le projectile était d'origine gouvernementale, il a été tiré dans le contexte d'un affrontement implacable, dans un chaos urbain qui exclue tout ciblage particulier de journalistes, comme ose déjà l'avancer Bassma Kodmani, représentante du CNS.
Le gouvernement syrien, n'en déplaise à MM Sarkozy et Juppé, fauteurs de bombardements et acteurs de guerre civile en Libye, a un comportement qui convient à celui d'une nation souveraine, qui consiste à mettre hors d'état de nuire les djihadistes stipendiés ou équipés par l'étranger, et qui veulent mettre Homs et d'autres villes de Syrie à l'heure d'al-Qaïda, de Doha ou d'Ankara.
Bref, ce n'est pas aux supporters français des bandes armées de Bab Amr de verser des larmes de crocodiles atlantistes sur la mort de ce jeune journaliste.
Guy Delorme,
le 22 février 2012
http://www.infosyrie.fr/actualite/apres-la-mort-des-deux-journalistes-occidentaux-sarkozy-et-juppe-nous-refont-le-coup-de-gilles-jacquier/
1-10 Bahar Kimyongur : Siège de Homs : à qui la faute ?
Nul ne peut rester indifférent devant les images effroyables qui nous viennent de Homs. Nul ne peut rester de marbre devant la souffrance de ces familles terrées dans leurs caves, sans pain, sans eau et sans espoir. Les obus pleuvent et s'écrasent dans un bruit assourdissant, fauchant des vies sans demander l'âge ni l'identité de leurs victimes.
Devant le drame de Homs, on ne peut qu'éprouver rage et colère à l'encontre du président syrien, de son parti et de son armée.
Mais ce camp aujourd'hui en pleine offensive après avoir été totalement débordé par la violence terroriste (1), est-il le seul à blâmer ? L'Armée syrienne libre (ASL) qui, depuis des mois, tient des quartiers entiers en otage, entraînant une partie de la population dans une aventure militaire incertaine n'est-elle pas autant responsable de cette tragédie ? Début novembre, le régime de Damas avait promis une amnistie à tous les insurgés qui rendraient leurs armes pour autant qu'ils n'aient pas de sang sur les mains. Si l'on peut légitimement douter de la bonne foi du régime, rappelons-nous tout de même que ce type d'engagement gouvernemental a été respecté et même validé par les observateurs de la Ligue arabe (2). Au lendemain de cette promesse d'amnistie, la porte-parole du Département d'Etat américain Victoria Nuland avait appelé les insurgés à ne pas rendre les armes. Par leur soutien affirmé au terrorisme et au chaos, les États-Unis n'ont-ils pas mis de l'huile sur le feu ? Quant à la stratégie de ces rebelles fanatiques qui espéraient, comme en Libye, un appui aérien de l'OTAN pour poursuivre leur avancée vers la capitale et entraîner la chute du régime à tout prix n'est-elle pas insensée sinon criminelle vis-à-vis des millions de victimes potentielles ? Que dire aussi des actes terroristes commis par ces mêmes rebelles ? A Homs, ils ont procédé à une véritable épuration ethnique, chassant et liquidant chrétiens, alaouites ou sunnites pro-régime des quartiers qu'ils contrôlent. N'allez pas croire que notre grande presse va émettre un soupçon de reproches aux terroristes sectaires qui se servent de boucliers humains. Que nenni, quand il s'agit de défendre Israël et d'affaiblir l'Iran, l'ASL et ses bataillons salafistes parrainés par l'Arabie saoudite, le Qatar, le Courant du futur des Hariri et Al Qaida, sont les meilleurs alliés donc forcément de gentils militants pro-démocratie.
Le 28 janvier, nous avons tous été bouleversés par les images du massacre d'une famille sunnite à Nasihine, femme, enfants et bébés inclus. Dans ce quartier de Homs, ce jour-là, douze innocents, douze membres de la famille Bahader, ont été froidement assassinés. Sans la moindre preuve, le reporter photo du journal Le Monde répondant du pseudonyme de Mani avait mis ce crime horrible sur le compte des milices loyalistes recrutées, dit-on, parmi les alaouites. Le lendemain, on apprit que cette famille sunnite était en fait devenue la cible des rebelles parce qu'elle « collaborait avec le régime ». En fait, Abdel Ghani, le père de famille était un fonctionnaire du gouvernorat de Homs. Un homme sans histoires. Lui et son frère Ghazouan qui est un chauffeur attaché au même gouvernorat, avaient reçu de nombreuses menaces de mort de la part des rebelles. Abdel Ghani souhaitait déménager pour éviter toutes représailles de la part de l'ASL qui voulait l'enrôler de force. Mais la barbarie terroriste l'attendit au tournant, lui et sa famille.
Le 23 février, un groupe armé commit un nouveau massacre d'innocents. Quartier visé : al-Arman al-Janoubi à Homs. Les victimes : un couple et leurs quatre enfants. Les terroristes ont d'abord ligoté Mohamed Ryad Darwich, sa femme et ses enfants avant de les torturer à coups de poignards. Les victimes ont été mutilées méthodiquement par des tortionnaires qui ont poussé le vice jusqu'à écrire des mots sur leurs corps à l'aide de leurs poignards. Ils ont ensuite mis le feu à la maison de cette famille. Entre le massacre des familles Bahader et Darwich, on ne compte plus les exécutions sommaires perpétrées par les terroristes. Des centaines de civils et de militaires pro-régime ont subi le même sort. Ces événements et bien d'autres encore témoignent de ce que l'horreur ne se trouve pas dans un seul et même camp.
Tout ça pour ça ?
Peu d'analystes s'interrogent sur les réelles motivations des rebelles. Se rebeller, c'est bien. Encore faut-il avoir une raison valable, une réelle alternative démocratique et utiliser les moyens adéquats pour y parvenir. Nous savons toutes et tous que les rebelles veulent renverser le régime. Ce programme aurait été légitime s'il eut obtenu la confiance de la majorité des Syriens. Or, des millions de citoyens aspirent à une démocratisation dans le cadre du régime actuel. Ils l'ont maintes fois exprimé lors de manifestations monstre ou du référendum constitutionnel du 26 février 2012. En effet, 89,4 % de votants soit près de 7,5 millions des 14.589.954 inscrits sur les listes électorales ont approuvé la nouvelle Constitution syrienne qui abolit la suprématie du parti Baas « sur l'Etat et la société ». Malgré cette réalité, l'intransigeance des insurgés est totale. Ils excluent ainsi tout compromis, toute négociation, toute réforme et tout règlement politique. Seule une élimination radicale du régime baassiste qui revendique pourtant près de deux millions de membres pourra les satisfaire. Aux insurgés djihadistes, il faut tout, tout de suite. Qu'importe pour eux que la majorité des Chrétiens, des Druzes, des Alaouites, des Arméniens, des Sunnites kurdes ou arabes ne les suivent pas. Devant leur empressement, je ne peux m'empêcher de penser aux rebelles colombiens qui résistent depuis près de 50 ans envers et contre tout. Ces insurgés là n'ont droit à aucune compassion de la part de « nos » armées philanthropiques. Le sol de leurs jungles et de leurs montagnes regorgent pourtant de cadavres, celui de dizaines de milliers de syndicalistes, de paysans, de femmes et d'enfants assassinés par les escadrons de la mort agissant pour le compte de « nos » gouvernements. D'autres mouvements de libération résistent à la tyrannie, seuls dans leur maquis. Depuis des lunes. Comme les Tigres de l'Eelam Tamoul. Leur encerclement et leur anéantissement par l'armée sri-lankaise en 2009 n'a pas suscité l'indignation internationale que nous connaissons depuis des mois en faveur de l'ASL. Nos rebelles syriens, eux, veulent la victoire illico. Servie sur un plateau d'argent. De préférence avec show laser dans le ciel nocturne de Damas et d'Alep. « Déroulez-nous le tapis de bombes » martèlent-ils à leurs amis atlantistes et wahhabites.
Et pour faire quoi messieurs ? Une fois installés au pouvoir, le Conseil national syrien (CNS) alias « Conseil d'Istanbul » et l'Armée syrienne libre (ASL) prendront la courageuse décision de rompre le lien Damas-Téhéran. Ils souhaiteraient également couper les ponts avec les patriotes libanais rassemblés autour du Hezbollah. Dans une interview accordée au Wall Street Journal, le président du CNS Burhan Ghalioun, a affirmé vouloir négocier avec Israël, notamment au sujet de la restitution du Golan « en misant sur nos relations spéciales avec les puissances européennes et occidentales (sic) ». (3)
En d'autres termes, Ghalioun rêve d'une Syrie apprivoisée et docile. Une Syrie asservie aux puissances coloniales. Une Syrie dénaturée, défigurée, dépersonnalisée. Le triste jeu des insurgés de Homs en vaut-il vraiment la chandelle ?
Comment aurait réagi un Etat occidental dans pareille situation ?
On l'a vu à l'œuvre maintes fois : lorsqu'il se sent ou se trouve réellement attaqué, le régime syrien peut s'avérer être excessivement brutal et sanguinaire. Ce mécanisme d'autodéfense est toutefois loin d'être exceptionnel. En effet, dictature ou pas, tout système politique qui se veut responsable à l'égard de ses citoyens ou qui désire juste sauver sa peau, aurait tendance à montrer ses dents dans une situation de violence extrême.
C'est d'autant plus vrai pour une nation dont les ennemis extérieurs n'ont ni le profil, ni l'armement ni l'appétit expansionniste des îles Kiribati, d'Andorre ou du Liechtenstein. C'est une nation qui, de surcroît, s'est aliénée une partie de sa population pour de multiples raisons parmi lesquels le massacre de Hama commis en 1982. L'impunité que s'offre le régime syrien depuis la boucherie de Hama couplée à l'esprit revanchard des djihadistes et à l'incompatibilité existentielle entre les principes laïcs du pouvoir et la charia entretiennent un climat de guerre larvée qui peut à tout moment dégénérer en conflit ouvert.
En Europe de l'ouest, depuis la seconde guerre mondiale, nous n'avons certes pas de situation équivalente à celle de Homs. Non pas que nos élites et leurs armées sont plus pacifistes mais parce que l'exploitation des pays du Sud notamment par le mécanisme de l'endettement, ont permis aux bourgeoisies européennes de s'offrir une relative paix sociale, de nous concéder quelques droits moyennant notre démobilisation, ce que l'on appelle en turc « la part du silence ». Nos élites ont, pour ainsi dire, construit et renforcé leur stabilité sur le malheur des plus faibles. Cela n'a pas empêché les pays occidentaux d'être régulièrement confrontés à des troubles sociaux et des crimes relevant davantage du droit commun à l'instar des Fort Chabrol ou des prises d'otages. Dans bien des cas, les forces d'intervention policières d'Europe ou des USA ne font pas dans la dentelle. Si les forcenés n'obtempèrent pas, ils sont froidement abattus. Et cela, au nom de la sécurité des citoyens.
Or, à Homs, certains Fort Chabrol durent depuis des mois et s'étendent sur des quartiers entiers. De plus, leurs auteurs tirent sur tout ce qui bouge, plongeant des populations entières dans un climat de terreur permanent qui fait bien souvent regretter l'environnement sécuritaire imposé par le régime syrien.
En tant que garante de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale de la Syrie, l'armée gouvernementale était tenue d'intervenir dans les quartiers de Homs tombés en dissidence. Cette même armée avait d'ailleurs été vivement critiquée pour son laxisme par les habitants des secteurs soumis aux tirs provenant des quartiers insurgés.
A ceux qui l'ignorent, il convient de rappeler que depuis l'après-guerre, les pompiers pyromanes de l'OTAN ont maintes fois tiré « sur leurs propres citoyens » pour bien moins que ça. Le 13 mai 1985, une paisible communauté africaine baba cool de Philadelphie appelée Move fut arrosée de napalm pour avoir voulu vivre en autarcie. Onze personnes dont dix enfants périrent dans les flammes occasionnées par la bombe larguée depuis un hélicoptère de la police. Les habitants de l'immeuble ne menaçaient pourtant personne. Il y eut par ailleurs l'écrasement de la mutinerie de la prison d'Attica dans l'Etat de New York en 1971, le siège de Waco au Texas en 1993 contre la communauté des Davidiens (86 morts), le Bloody Sunday en Irlande, le massacre de Polytechnique en Grèce, les opérations militaires dans les prisons turques de Diyarbakir, Ümraniye, Ulucanlar, Bayrampasa ou dans les villes kurdes de Lice et de Cukurca en Turquie... Sans parler des guerres secrètes de l'OTAN : tueries du Brabant, attentats de la gare de Bologne, de la Piazza Fontana à Milan, de la place Taksim, de la place Beyazit et du quartier de Gazi à Istanbul, ou encore des pogromes de Maras, Corum et de Sivas... Personne n'a évoqué pour autant l'option d'une intervention humanitaire armée à Washington, Londres, Rome ou Ankara. Je vous passe des assassinats de masse et des génocides commis par les forces atlantistes dans les pays du Sud. Et puis, attendez voir ce que nous réserve l'Europe « démocratique » le jour où les mouvements d'indignés constitueront une véritable menace pour les élites politiques et financières... Les Murs des fédérés ressurgiront hélas à chaque coin de rue.
Bien entendu, comparaison n'est pas raison. Autrement dit, les crimes commis par les troupes atlantistes ne justifient nullement ceux commis par l'armée syrienne. Et la vie d'un enfant syrien qu'il soit du côté rebelle ou du côté loyaliste, n'est pas moins précieuse que celle d'un enfant français, américain ou scandinave.
Finalement, les mots sont si vains devant la tragédie de Homs. Seule compte la vie des innocents de cette ville pris entre deux feux. Si on veut les sauver, il faudrait peut-être commencer par abandonner la logique de confrontation et dialoguer avec le gouvernement syrien. Au lieu de gesticuler, d'insulter ou de tenter de convaincre la Russie et la Chine, il serait peut-être plus sage de descendre de ses grands chevaux et de rejoindre le bloc sino-russe dans son appui à une solution de transition démocratique syrienne sans paternalisme et sans interférence. Nous serions ainsi bien plus en phase avec la Charte des Nations Unies. Et si, pour les enfants de Homs et pour la survie de la Syrie, on osait la paix ?
Notes
(1) Durant les semaines qui ont précédé l'assaut sur Homs, il mourait en moyenne une vingtaine de soldats gouvernementaux par jour. Sans compter les innombrables victimes civiles tombées sous les balles des groupes insurgés.
(3) The Wall Street Journal, 2 décembre 2011
27 février 2012
Source : michelcollon.info
Ancien député CDU au Bundestag, il visite la Syrie autant qu'il peut – parfois plusieurs fois par année. Il y a un mois, il a voyagé à travers le pays durant près de quatre semaines. Il a pu se déplacer librement. Todenhöfer était à Damas, mais aussi à Homs, Hama et Deraa, sur les lieux qui font la une des journaux depuis presque une année, en raison des affrontements sanglants entre les forces de sécurité du régime et les insurgés.
Carolin Brühl Welt Online : Monsieur Todenhöfer, il y a peu vous étiez en Syrie. Par qui avez-vous été invité, et dans quelle mesure étiez-vous libre de circuler ?
Jürgen Todenhöfer : Personne ne m'a invité.
Vous êtes donc simplement entré dans le pays comme touriste ? Est-ce possible ?
Oui, ça marche. Je me rends en Syrie depuis plus de dix an. J'ai écrit un livre sur la Syrie et l'Irak qui a aussi été traduit en arabe. Il commence par Hakaouati, le conteur de contes de la Mosquée des Omeyyades à Damas. J'y vais chaque année. La Syrie est le berceau de notre civilisation et Damas est une des plus belles villes du monde arabe. La tête de Saint Jean Baptiste est enterrée dans la Mosquée des Omeyyades et à Damas, Saül devint Saint Paul.
Mais est-ce que vous comprenez et parlez l'arabe ?
Pas un mot.
Comment parlez-vous alors avec les gens ?
La plupart du temps, je suis accompagné d'un ou de plusieurs traducteurs.
Qu'est-ce qui vous a incité à repartir juste maintenant en Syrie, en dépit de tous les avertissements ?
Lorsque durant dix ans on ne cesse de voyager dans ce pays, il n'y a aucune raison de ne pas y retourner juste maintenant. Cette fois, j'ai eu quelques difficultés au début. J'ai été arrêté à l'aéroport de Damas parce que les services secrets syriens avaient émis une interdiction d'entrée contre moi. J'avais écrit un article dans Die Zeit que bien des personnes considéraient comme trop critique en Syrie. Il fallut plus de deux heures jusqu'à ce que je puisse enfin entrer dans le pays. Plus tard, ça m'a été utile parce qu'un Allemand de Syrie avait assisté à la scène et il l'a racontée quelques jours plus tard à Assad. Sur quoi Assad m'a invité à un entretien.
Assad a annoncé un référendum populaire pour mars, concernant une nouvelle Constitution. A quel point peut-on prendre cette initiative au sérieux ? Assad dirige-t-il effectivement lui-même les destinées de son pays ?
Je crois qu'il est l'homme le plus puissant de son pays. Et que la crise l'a rendu plus fort.
Pourquoi ?
Une crise décide si on peut s'emparer des choses ou s'il vaut mieux les remettre à d'autres. Il me semble que depuis lors, Assad fixe clairement la direction de sa politique. Je crois que ce referendum populaire sur une constitution démocratique est son idée. Lorsqu'il est parvenu au pouvoir il y a dix ans, il a essayé de moderniser le pays. Cela lui a valu beaucoup de difficultés. A l'intérieur comme à l'extérieur. On sait qu'en Occident, on lui a reproché d'être impliqué dans l'assassinat de l'ancien président du conseil des ministres libanais Hariri. Aujourd'hui il s'est avéré qu'il n'en était rien. En tout cas, Assad n'a pas réussi dans ses efforts de transformer le pays comme il avait eu l'intention de le faire.
Qu'est-ce qui l'en a empêché ?
Il y a des forces conservatrices puissantes dans des pays comme le Maroc, l'Arabie saoudite ou la Syrie. Assad n'avait pas seulement le problème de Hariri, il dut aussi rapatrier les troupes syriennes du Liban. Tout cela a amené à une situation de politique intérieure dans laquelle il était difficile d'imposer des réformes essentielles contre les forces conservatrices. Assad m'a dit de vive voix qu'il considère la démocratie en Syrie comme « impérative ». Et qu'à cet égard l'élaboration d'une constitution démocratique devait jouer un grand rôle.
Veut-il aussi renoncer au primat de son parti Baath ?
Envers moi, il a souligné que tous les partis seraient autorisés. Le référendum populaire en mars est une décision révolutionnaire pour un pays autocratique comme la Syrie parce que ce faisant, Assad remet la décision sur l'avenir du pays dans les mains du peuple. Le peuple n'a pas seulement la possibilité d'accepter cette constitution, il peut aussi la refuser. Je ne connais pas beaucoup de souverains autocratiques qui oseraient risquer un pareil référendum populaire.
Cela veut-il dire que vous croyez à une volonté de changement d'Assad et que vous croyez que ça peut être un moyen réaliste pour le pays ?
Plus l'Occident lui tape dessus, plus ça devient difficile pour Assad. Un politicien marxiste de l'opposition, qui a fait 14 ans de prison sous le père d'Assad, m'a dit que le seul qui pouvait amener à l'amiable la Syrie à la démocratie, c'était Bachir al-Assad. Aussi parce que la majorité des Syriens continuaient de faire une grande différence entre Assad et le système.
Mais que doit alors faire l'Occident ? Soutenir Assad ? Négocier avec lui ? Les medias occidentaux sont sous la pression des images de la violence brutale qui proviennent du pays. Et il y a peu de reportages objectifs.
La situation en Syrie est très complexe. En dépit du fait que de manière inattendue ce ne sont pas que les adversaires, mais aussi les partisans d'Assad qui revendiquent bruyamment la démocratie. Entre-temps, la démocratie est largement indéniable en Syrie. J'ai assisté à des manifestations à Damas auxquelles participaient entre un et deux millions de personnes.
Les gens criaient en chœur : « Assad, démocratie », et « Assad, liberté ». Les révoltés syriens veulent évidemment aussi la démocratie, cependant sans Assad. Il y a donc des manifestations pacifiques pour et contre Assad, mais toujours pour la démocratie. Toutefois, il y a des unités armées des deux côtés qui se livrent à des confrontations militaires sans merci. Ce qui provoque toujours des morts civiles. C'est totalement inacceptable et est à juste titre durement critiqué.
Toutefois, des leaders politiques de l'opposition syrienne m'ont dit que la guérilla de l'opposition tuait des civils et « réglait des comptes ». A Homs, je me trouvais dans la maison d'un partisan déclaré de Assad. On a tiré dans la chambre de sa fille de trois ans depuis une tour d'en face. J'ai vu les points d'impacts. Le jour après ma visite, il reçut une menace de mort et dut quitter sa maison. A Homs, j'ai moi-même été pris sous un lourd feu croisé lorsque la guérilla tira sur deux policiers.
Ce sont des affrontements comparables à une guerre civile. En Occident, on ne nous parle que des méfaits que commettent les forces de sécurité de l'Etat. Mais on occulte les méfaits de l'autre côté. Les reportages internationaux sont extrêmement unilatéraux.
Mais pourquoi Assad n'admet-il pas des journalistes dans son pays qui pourraient dessiner une image plus objective ?
C'est une grossière erreur du gouvernement. Je n'ai jamais ressenti aussi fortement la valeur d'un journalisme libre qu'en Syrie. En Syrie, l'opposition détient actuellement un monopole de l'information qu'elle exerce sans pitié via al-Jazira et al-Arabia. A Homs par exemple, il y a quatre stations satellite auxquelles chaque photographe muni d'un portable peut transmettre ses prises de vue dans la seconde. Aussi, on en profite, ce qui est bien compréhensible.
Qu'en est-il de l'accès libre à l'Internet ?
En matière d'Internet, la Syrie est un des pays les plus développés du monde arabe. C'est d'ailleurs Assad qui a instauré cela personnellement. Si vous allez dans un restaurant, vous avez toujours gratuitement un accès wireless et vous pouvez recevoir vos courriels. Il y a quelques semaines, la presse mondiale affirma que désormais les iPhones étaient interdits en Syrie. J'ai alors appelé Damas et interrogé mon interlocuteur à ce sujet. Il a ri : « Vous m'appelez pourtant précisément sur mon iPhone. » La moitié des informations concernant la Syrie sont fausses.
Connaissez-vous d'autres exemples ?
Durant mon séjour à Damas, la presse mondiale rapporta que le quartier général du parti bath avait été attaqué et fortement endommagé. Qu'il y avait eu un mort. Ça m'a fortement impressionné. Jusque là, Damas avait été une ville sûre dans laquelle il y avait même encore quelques touristes.
Le lendemain, je me suis rendu en voiture vers ce bâtiment. Deux aimables policiers se tenaient devant le bâtiment intact. Lorsque je leur demandai où se trouvaient les lourds dégâts, ils m'ont montré deux vitres enfoncées dans le hall d'entrée, dans lequel quelqu'un avait jeté un pétard. Lors de ma visite à Homs, j'ai vu que les étals du marché étaient couverts de victuailles et de légumes. Moi aussi j'y ai fait mes emplettes. Quelques jours plus tard, j'ai lu dans la presse mondiale : « Catastrophe humanitaire à Homs ».
Peu après je suis retourné une deuxième fois en ville et j'y ai rencontré des rebelles. Je rencontre toujours les deux côtés. Je les ai interrogés sur la « catastrophe humanitaire ». Ils ont avoué en riant : « C'est nous qui avons lancé ça ». Ils étaient tout fiers. Peu de temps après, un autobus transportant de jeunes Alaouites a été arrêté à Homs par des motos. Ces jeunes gens ont été exécutés à quelques mètres de distance par les attaquants en moto.
Un seul a survécu. Il raconta que les auteurs étaient des rebelles armés. L'attaque était un signal pour Assad qui est aussi alaouite. Le soir par contre, al-Jazira prétendit dans les informations que Assad avaient à nouveau fait tuer des jeunes gens innocents à Homs. Les reportages de Syrie me rappellent de façon inquiétante les reportages avant le début de la guerre d'Irak. Les reportages de la télévision d'Etat syrienne ne sont toutefois pas meilleurs.
Mais qui soutient alors les rebelles ? Sont-ce les pays voisins mal intentionnés tels que l'Arabie saoudite ou le Qatar, qui s'étaient déjà engagés en Libye ? S'agit-il aussi d'un conflit islamique intérieur ?
J'ai passé quatre semaines dans le pays. Je sais quand-même qu'il y a bien des choses que je n'ai pas vues. Mais j'ai vu que ce soulèvement n'est pas toujours pacifique. Il y a des forces à l'étranger qui fournissent des armes lourdes à la partie violente de l'insurrection. La piste la plus sérieuse mène au Qatar. Le Qatar était aussi le grand fournisseur d'armes en Libye. Les Américains n'interviennent pas directement, la résistance armée passe par des Etats arabes voisins, avant tout par le Qatar et l'Arabie saoudite. Al-Jazira est également originaire du Qatar.
Il s'agit donc d'une espèce de guerre par suppléants ?
Je ne le sais pas. Je ne suis pas non plus partisan des théories de complots. Mais à l'arrière-plan se profile la tentative des Etats-Unis de créer un « Greater Middle East » dans lequel il n'y aurait plus que des Etats proaméricains dans la ligne. Les USA considèrent toute la région comme leur chasse gardée. Kissinger est l'auteur de la phrase : « Le pétrole est beaucoup trop précieux pour être abandonné aux Arabes ».
Les Américains ont raté la révolution en Tunisie et en Egypte. Mais ensuite ils ont pris la décision de participer dans leur sens aux bouleversements du monde arabe. J'éprouve une grande sympathie pour l'Amérique démocratique, mais au Proche-Orient, la démocratie importe peu aux Etats-Unis. Sinon ils devraient aussi appuyer les manifestations en Arabie saoudite, au Qatar et à Bahreïn, mais là, ils soutiennent des gouvernements dictatoriaux.
Comment cela va-t-il continuer en Syrie à votre point de vue ?
En Syrie il y aura une démocratie comme dans l'ensemble du monde arabe. Le recours à la violence contre des manifestations pacifiques prônant celle-ci est inacceptable. Mais lorsque j'ai demandé à Assad pourquoi on ne pourrait pas – au moins durant un laps de temps limité – renoncer à la violence contre les rebelles armés, il m'a demandé si je pouvais lui citer un pays occidental qui accepterait que tous les jours vingt à trente de ses soldats soient tués.
Il m'a demandé : Est-ce que Madame Merkel accepterait cela ? Je n'ai pas su que répondre. Je lui ai dit qu'il devait néanmoins engager un dialogue, même avec les forces extrémistes. Qu'il n'y avait qu'un dialogue qui pouvait amener un cessez-le-feu. Qu'il devait prendre la tête du mouvement démocratique pour aboutir à la paix et à la démocratie.
Qu'a-t-il répondu ?
Il a dit que ce qui importait le plus, c'était d'élaborer une Constitution démocratique, et que le peuple devait pouvoir se prononcer à ce sujet. […].
15 mars 2012
Jürgen Todenhöfe
Jürgen Todenhöfer a fait des études de droit aux universités de Munich, Paris, Bonn et Freiburg. Il a fait son doctorat à Freiburg. En 1972, il a été élu au Bundestag allemand en tant que candidat direct de la CDU. Il y a exercé le mandat de député et de porte-parole de politique du développement du groupe CDU/CSU jusqu'en 1990. Déjà avant cela, en 1987, il est entré au Groupe Hubert Burda Media, où il est parvenu à la vice-présidence de la direction.
Ces dix dernières années, Jürgen Todenhöfer s'est constamment exprimé de façon critique sur les guerres en Afghanistan et en Irak. Il y publié une série de livres traitant de ces deux guerres. En 2003, il a écrit « Wer weint schon um Abdul und Tanaya ? Die Irrtümer des Kreuzzugs gegen den Terror » (ISBN 3-451-05420-5) (Qui va pleurer Abdul et Tanaya ? Les erreurs de la croisade contre le terrorisme). C'est un livre qui décrit clairement, par l'exemple d'enfants afghans, l'absurdité de la « guerre contre le terrorisme ». Dans le livre « Andy und Marwa. Zwei Kinder und der Krieg » (2005, ISBN 3-570-00859- 2) (Andy et Marwa, deux enfants et la guerre), Todenhöfer décrit deux destins de la guerre d'Irak, celui d'une fille irakienne et d'un jeune soldat américain. Dans « Warum tötest du, Zaid ? » (Pourquoi tues-tu, Zaïd ?) (2008, ISBN 978-3-570-01022-8), Todenhöfer analyse par beaucoup d'entretiens sur place les raisons de la résistance contre l'occupation US en Irak. Son dernier livre jusqu'ici, « Teile dein Glück… und du veränderst die Welt ! – Fundstücke einer abenteuerlichen Reise » (2010, ISBN 978-3-570-10069-1) (Partage ton bonheur... et tu changes le monde ! – trouvailles d'un voyage aventureux) est un livre traitant de questions éthiques centrales.