Sujet: | OU VA LA SOCIAL DEMOCRATIE EUROPEENNE |
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Date: | Sat, 24 May 2008 20:11:20 +0000 (GMT) |
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Où en est le PS ?
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Les choix politiques sont des réalités concrètes. La débâcle des rénovateurs-transformateurs en parti démocrate-blairiste dans les élections italiennes (où Rifondazione s'effondre aussi, non parce qu'ils se sont opposés à la grande liquidation, mais parce qu'ils l'ont accompagnée) et dans les élections britanniques (où le Labour, sous les atours défraîchis du New Labour de Blair et Brown, réalise un score historiquement bas à 24 %), relance les débats sur la nature du PS en France. C'est sûr que si la nature du PS correspond à celle de tel ou tel de ses dirigeants, cela fait un moment qu'elle serait identique à celle des démocrates nord-américains, et encore, la dynamique d'un Obama en moins ...
Mais les faits sont les faits et le premier fait pour réfléchir sur cette question, c'est qu'aux élections municipales et cantonales comme déjà aux législatives le monde du travail, le salariat, se sont autant que possible saisis du vote pour les candidats de ce parti contre Sarkozy. "Autant que possible" signifie que lorsque, ce qui est arrivé trop souvent, ces candidats n'en donnaient pas la possibilité parce qu'ils choisissaient de mettre le cap à droite, sur l' "ouverture" et sur le Modem, alors ils perdaient la plupart du temps.
Le second fait, c'est ce que font les élus de ce parti face à Sarkozy. Soyons clairs : ils lui font la courte échelle. Même si son discours n'est pas toujours repris, c'est l'orientation d'un Manuel Valls -avec Sarkozy sur les questions essentielles, retraites, sécurité, Europe, fonction publique ... - qui prévaut.
Reprenons : le 4 février, vote au Congrès pour aider Sarkozy à violer le vote de 2005 contre le traité européen ripoliné à Lisbonne.
Mais aussi, il ne faut pas l'oublier, 29 avril : abstention en faveur de la loi de "modernisation du marché du travail" -un seul député socialiste a voté contre, Marc Dolez, et deux sénateurs, Jean-Luc Mélenchon et Maryse Bergé-Lavigne. Motif officiel de cette courte échelle à Sarkozy : les "partenaires sociaux" avaient signé le texte à partir duquel a été bâtie la loi. Ainsi, le "dialogue social" sert d'argument pour l'"ouverture" politique et l'union nationale. En l'occurrence, il s'agit du texte, analysé dans cette lettre, que la CFDT et FO avaient signée en janvier, mais pas la CGT bien que celle-ci ait participé à tout le processus de son élaboration.
Un prochain texte du même type devrait être soumis aux parlementaires une fois transcrit en loi, d'ici l'été (c'est du moins ce que Bernard Thibault a appelé de ses voeux dans un discours devant la commission exécutive confédérale de la CGT le 16 avril dernier) : celui de l'accord sur la représentativité à propos duquel Nicolas Sarkozy en personne, dans une "tribune" au Monde, s'est réjoui de la victoire qu'il représente pour lui. Cette fois-ci, la CGT étant officiellement signataire (mais pas FO) la pression sur les parlementaires PS (et aussi PC) sera encore plus forte ...
Et pendant ce temps, méditons ce que déclare Didier Migaud, président (PS) de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, sur la RGPP :
"J'approuve totalement la démarche de révision générale des politiques publiques. Si Ségolène Royal avait gagné, je pense que nous nous serions engagés dans la même direction. J'ai d'ailleurs apprécié toute la première partie des propos du Premier ministre. (...) En un mot, oui à la RGPP, oui à la réforme de l'Etat, à condition d'y associer le Parlement et de respecter l'exigence de justice, or de ce point de vue beaucoup reste à faire."
Soyons clair, c'est lui qui est cohérent et non pas son collègue Bernard Derosier qui tente de faire un peu plus "opposant" :
"La RGPP est l'arme du gouvernement pour s'attaquer aux fonctions publiques d'Etat, territoriale et hospitalière, tout en reportant sur les collectivités locales une charge financière toujours plus lourde. Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : la réforme de l'Etat est nécessaire, tout simplement parce que l'Etat est un corps vivant qui doit s'adapter aux évolutions. Si cela contribue à réduire le déficit et la dette c'est une bonne chose. Mais que le gouvernement se défausse sur d'autres en feignant d'assumer ses responsabilités n'est pas acceptable ..."
Oui, Didier Migaud a de son point de vue raison : la RGPP de Sarkozy n'est strictement rien d'autre que la "réforme de l'Etat" mise en oeuvre contre l'égalité des droits, les services publics et la laïcité depuis une quinzaine d'années, propulsée par Allègre devenu depuis compère de Sarkozy, relayées par la LOLF (loi organique sur les lois de finance, votée en 2000, défendue à l'Assemblée par Laurent Fabius, droite et PS votant pour et le PC s'abstenant), par la révision constitutionnelle de Raffarin (mars 2003) sur la décentralisation ayant entraîné depuis la loi d'août 2004 sur les transferts Etat-région, que mettent en oeuvre les conseils régionaux et généraux et l'ensemble de leurs élus de gauche ... Ils couinent contre le coût des transferts mais ils n'ont aucunement l'intention de les remettre en cause, au contraire ils préconisent une "deuxième étape de la décentralisation" consistant à achever le sale travail commencé par la droite.
Oui, cette politique forme un tout cohérent, et la "réforme de l'Etat" défendue par MM. Migaud et Derosier en est la racine ; elle conduit à la liquidation des services publics et le fait que dans l'unité les fonctionnaires seront en grève le 15 mai contre elle a donc une grande portée politique, diamétralement opposée dans son contenu réel à l'action droitière de la plupart des élus de gauche ...
Avec de telles convergences, verra-t-on le groupe PS s'associer à la révision constitutionnelle que la commission Balladur-Lang a préparée pour Sarkozy ? Certes, celui-ci rencontre des difficultés et est obligé de faire passer le renforcement du pouvoir présidentiel qu'il veut amorcer pour une amélioration des pouvoirs du parlement, mais c'est là une raison pour l'enfoncer, pas pour l'aider ; or, de nombreuses voix, dont celle d'Arnaud Montebourg, l'homme qui dans un lointain passé géra sa carrière en se faisant passer pour un adversaire de la V° République et du régime présidentiel, plaident pour, tenez vous bien, un "compromis historique bipartisan" sur la réforme des institutions !
L'intégration de l'appareil des élus à l'application de la politique de Sarkozy est une réalité. Dans la V° République, les élus cessent souvent d'être des élus une fois qu'ils sont élus : ils ne font plus de politique, mais de la gestion, c'est-à-dire que, responsable l'un des attributions de marchés publics ou l'autre de la culture et des sports, ils se font mousser en parasitant le travail de leurs fonctionnaires, et mettent soudain tous en oeuvre la même politique : celle en vigueur ! Pour avoir le courage et la force de résister à cette intégration, il faut une vraie vie démocratique les plaçant sous le contrôle de leurs électeurs et des militants, et l'on sait que c'est naturellement de moins en moins le cas. A cet égard la "nature" des élus PS, ceux cooptés en fait plutôt qu'élus dans des scrutins de listes au niveau des régions et des villes grandes et moyennes souvent plus encore que les parlementaires, s'est
nettement dégradée depuis 10 ans (et ceci vaut aussi pour les autres élus de gauche).
Autre fait : la chute du nombre d'adhérents du PS. Celle-ci a évolué en accordéon depuis 3 ans. 2005 : une montée s'amorce sur l'espoir du Non, qui groupe des militants et semble ouvrir des possibilités d'action. La synthèse ferme cette montée et en prépare une autre : celle des "adhérents à 20 euros" de la "promotion Ségolène", qui mélange des personnes issues du monde du travail qui veulent battre la droite et les tenants de l'effet de mode. La plupart de ceux-là se sont volatilisés (certains n'ont même pas "tenu" jusqu'au vote Royal aux présidentielles et, après avoir payé leurs 20 euros pour que le PS investisse "Ségolène", sont allés voter Bayrou ou même Sarkozy : c'est cela, la "démocratie participative" ! ). Mais ce sont aussi des adhérents anciens qui partent sur la pointe de pieds, mais en masse. Jusqu'à présent, on avait vu la composition du PS se regarnir de travailleurs et de jeunes en périodes d'opposition, là au contraire c'est plus que jamais, au niveau de ses adhérents actifs (pas de sa base sociale et électorale, bien plus large) un parti d'élus, de cooptés et autres employés d'élus ...
En vue du congrès prévu à l'automne, plusieurs processus sont en cours dans l'appareil ou dans les appareils et réseaux rivaux qui structurent le PS. Vu la situation à la base, ces processus sont pour l'instant relativement autonomes par rapport aux pressions sociales qui peuvent s'exercer sur eux. Il y a principalement la volonté des réseaux Royal de détruire le vieux PS explicitement, en allant vers un rassemblement présidentialiste, et le regroupement qui s'amorce autour de Delanoë, qui maintient la forme de parti et de courants politiques, mais sur un programme totalement libéral (pourquoi s'acharner à dire "social-libéral" ?).
Pourtant l'existence de courants plus à gauche, divers par leurs origines et leurs parcours, ne fait pas de doute : c'est elle qui a fait basculer la situation nationale lors du référendum de 2005. Mais justement la plupart de ses "leaders" ont saboté depuis l'acquis de cette campagne. Certes la question de l'unité de ces courants pour résister à la dérive droitière des deux trains présidentiels d'ores et déjà prêts à démarrer (Royal et Delanoë) se pose, d'où l'importance de l'initiative du courant Trait d'union, de J.L. Mélenchon, d'appeler à un regroupement sur des bases socialistes pour surmonter la "balkanisation" des ailes gauche, et aussi l'initiative de la rédaction de la revue Démocratie et socialisme (G. Filoche) qui va dans le même sens. Mais une chose est sûre : un regroupement ne se fait pas dans l'abstrait, pour le plaisir de se regrouper, il ne se fait pas en soi sur "des valeurs", mais sur des actes : c'est donc
d'abord à partir de deux qui ont (ou qui auraient s'ils avaient des élus) voté contre Sarkozy tant le 4 février que le 29 avril, et qui voteront contre les prochaines fois, que l'ont peut avoir un point d'appui.
Dans ce contexte, se surajoute la nouvelle "déclaration de principe" écrite notamment par A. Bergounioux, un texte insipide qui gomme un peu plus -elles l'étaient déjà beaucoup- les références au mouvement ouvrier, les remplaçant par un coup de chapeau au passé et par l' "économie sociale et écologique de marché", c'est-à-dire le capitalisme à la sauce de l'Union Européenne. Pire encore : en son état actuel, ce texte "oublie" de se référer ... au suffrage universel ! (Alors qu'il y a la "décentralisation", l' "Europe" et la "démocratie participative"). Ce serait du fétichisme que de considérer que ce texte en lui-même matérialiste le "changement de nature" du PS (s'il n'est déjà pas évident, pour prendre ce précédent, que le Labour britannique ait instantanément "changé de nature" lors de l'abandon, en 1994, de la clause 4 de ses statuts datant de 1919 sur la propriété commune des moyens de production, la nouvelle "déclaration de principe" par rapport à celle qui l'a précédé, datant de 1990 et déjà pas terrible, n'a pas du tout la même portée). Pour autant, il serait irresponsable d'en repeindre en rose, et encore moins en rouge, le contenu. Les adhérents du PS ont besoin d'un courant qui sache dire Non sans pour autant les abandonner.
On notera, en outre, concernant les modifications statutaires envisagées par la direction, que leur portée est en train de diminuer, le projet d'instaurer un seuil de 10% et non plus de 5% à la représentation des courants ayant notamment été retiré. Par contre, peu de monde pour s'inquiéter de la création d'une nouvelle instance, un "conseil des territoires" regroupant les présidents des conseils régionaux, généraux, membres des bureaux d'associations d'élus ... avec des pouvoirs spéciaux dans le parti, institutionnalisation en quelque sorte de la féodalité qui le plus souvent met en oeuvre la politique de Sarkozy ...
Tout cela est incontestablement bien gris. Mais "vert est l'arbre de la vie" (Goethe). Le seul point où les intérêts de la lutte des classes du côté du monde du travail ont avancé dans le PS depuis deux ans, c'est chez les jeunes, au MJS en général et en particulier avec nos amis de l'OS (Offensive Socialiste). Mais ni le "dialogue social", ni l' "ouverture" ne sont en mesure d'empêcher un affrontement social en France. C'est par rapport à cela que le regroupement large de tous ceux qui n'acceptent tout simplement pas que l'on achève de refuser de représenter le monde du travail et que le PS (et puis le PC et les syndicats car la galère est la même) deviennent des machins "démocrates" et "sociétaux" à l'italienne (pour reprendre la dernière référence en la matière) est non seulement nécessaire, mais impératif. Si ce congrès bien gris qui s'amorce en est l'occasion, il ne faut pas mégoter et il faut y aller, pour aider à l'organisation en vue de cet affrontement.
Vincent Presumey